Il y a ceux qui n'en peuvent plus des accommodements raisonnables, ceux qui souhaitent des balises plus claires et ceux qui ont carrément peur des étrangers ou qui craignent d'être «envahis comme Montréal». Certains sont cinglants, d'autres très nuancés. Ce sont eux que le gouvernement Marois a séduits avec sa Charte de la laïcité. La Presse a sillonné le Québec pour les rencontrer. Premier arrêt: Chaudière-Appalaches.

Avec le taux de chômage le plus bas de la province et une main-d'oeuvre qui ne court pas les rues, les entreprises beauceronnes n'ont souvent pas le choix de recruter à l'étranger. Mais pas question de ralentir la production ou de risquer des conflits pour des questions religieuses. Les règles sont strictes, et elles fonctionnent.

• Population: 410 829

• Immigrés admis dans la région depuis 2002: 2213

Égalité et unité à l'usine

Chez Métal Bernard, les demandes d'accommodements religieux sont traitées exactement comme le serait une demande de congé pour aller à la chasse.«Pourquoi faire une différence entre les Québécois et les immigrés? demande le vice-président exécutif de l'entreprise, Mario Ferland. S'ils veulent s'intégrer, il faut focuser sur ce qui les unit plutôt que sur ce qui les différencie.»

Depuis 2011, l'entreprise qui fabrique des feuilles de métal a accueilli une douzaine de travailleurs venus de France, d'Afrique, d'Amérique du Sud et du Moyen-Orient. Dans le village de 6500 âmes, ils ne passent pas inaperçus.

«Ils sortent du lot. À l'épicerie, on sait lesquels sont les nôtres», dit en rigolant Sylvie Gonin, responsable du recrutement à l'étranger.

C'est elle qui est chargée de l'intégration des nouveaux venus. «Pour certains, le changement de climat et de culture est grand.» Afin de faciliter la transition, elle leur trouve un logement et leur explique le fonctionnement des services de base, comme les banques.

Elle contribue aussi à leur vie sociale. «Si on sait qu'il y a un passionné de vélo de montagne, par exemple, on lui suggère des pistes intéressantes, dit-elle. On essaie de les accommoder le plus possible. On veut qu'ils se sentent bien. »

Pas de compromis

Cette propension à rendre service s'arrête là où commencent les intérêts de l'entreprise.

Ainsi, un employé qui demanderait un congé pour des motifs religieux serait reçu de la même manière que son collègue qui désire par exemple aller à la chasse, explique Mario Ferland. «S'il a accumulé des vacances et que ça ne nuit pas à la production, on va accepter.»

Même histoire pour les réaménagements d'horaire. Un travailleur musulman a par exemple demandé de déplacer sa pause durant le ramadan. Ses patrons ont refusé. «S'il n'était pas à son poste en même temps que les autres dans l'usine, ça créait des problèmes de sécurité. Les postes de travail dépendent les uns des autres. On le lui a expliqué. Il a compris.»

Pas de compromis non plus sur la langue. «Les gens qui souhaitent travailler chez nous doivent parler parfaitement français. Pour des raisons de sécurité, nos employés doivent pouvoir communiquer facilement ensemble. On ne veut pas d'accidents.»

Et, de toute façon, dit le patron, «si on commence à donner à un plus qu'à l'autre, ça risque de créer un malaise entre les employés».

Même discours sur le plancher.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Depuis 2011, Métal Bernard a accueilli une douzaine de travailleurs étrangers, dont Marwan, originaire de Grande-Bretagne.

À ce jour, la fermeté de l'entreprise n'a pas créé de remous, ni chez les immigrés ni chez les Québécois.

«Ils quittent leur pays pour venir ici, dit Mario Ferland. Ils ne viennent pas en se disant qu'ils vont prendre une chance que ça ne fonctionne pas. Ils doivent s'adapter à notre culture et à nos moeurs. En venant en région, ils savent qu'ils vont être déracinés. Ils n'ont pas le choix de s'intégrer.»

Et ça fonctionne. Dans cette usine où plusieurs travailleurs appuient l'esprit de la Charte de la laïcité du gouvernement Marois, tout le monde arrive à s'entendre. «Les travailleurs d'ici savent qu'ils ont besoin des immigrés, ajoute Mario Ferland. Si on ne comble pas tous les postes, l'entreprise ne pourra pas fonctionner et ce sont les gens de la région qui vont se retrouver sans emploi.»

Le pays de Monsieur Chen

On l'appelle le «Chinois de Saint-Georges». Depuis 30 ans, Titune Chen y est propriétaire d'un dépanneur. Il forme à lui seul le quartier chinois de la ville. Parfaitement intégré, il se considère comme un «vrai Beauceron». Pour lui, un immigré doit s'adapter aux moeurs de son pays d'accueil. Nous lui avons rendu visite.