La Commission d'examen des plaintes concernant la police militaire mènera une enquête relativement aux allégations de mauvais traitements des détenus afghans qui auraient été infligés par des membres de la Police militaire en Afghanistan en 2010-2011.

La Presse a révélé en mai, au terme d'une enquête de quatre mois, que des policiers militaires canadiens en mission en Afghanistan avaient instauré un climat de terreur dans la prison de la base de Kandahar sans jamais être sanctionnés par le ministère de la Défense.

Hier, jour d'assermentation du nouveau gouvernement de Justin Trudeau, la nouvelle présidente de la  Commission d'examen des plaintes concernant la police militaire, Hilary McCormack, a avisé le ministre de la Défense nationale, le Chef d'état-major de la défense, le Juge-avocat général et le Grand Prévôt des Forces canadiennes de sa décision de tenir une enquête d'intérêt public, tel que requis par la Loi sur la défense nationale.

L'enquête de La Presse avait permis d'établir que les gestes répréhensibles se sont produits de décembre 2010 à janvier 2011, tandis que la mission de combat des soldats canadiens tirait à sa fin en Afghanistan.

Une quarantaine de prisonniers afghans se trouvaient alors au centre de détention de la base militaire de Kandahar. Suivant les instructions de leurs supérieurs, des policiers militaires canadiens ont effectué des «entrées dynamiques» dans les cellules. Leur objectif était de contraindre les prisonniers à dévoiler des informations pouvant permettre aux troupes canadiennes et à leurs alliés occidentaux de contrer les menaces des insurgés talibans ou de trouver des caches d'armes.

Les incursions des policiers militaires ont été filmées, les cellules du centre de détention de Kandahar étant munies de caméras de surveillance, selon nos informations.

En vertu du droit international humanitaire, la torture, les traitements cruels ou dégradants sont formellement interdits. L'article 3 commun aux Conventions de Genève prohibe, en tout temps et en tout lieu, «les atteintes portées à la vie et à l'intégrité corporelle, notamment le meurtre sous toutes ses formes, les mutilations, les traitements cruels, tortures et supplices», entre autres choses. Il prohibe aussi «les atteintes à la dignité des personnes, notamment les traitements humiliants et dégradants».

Selon nos informations, au début de l'opération, les policiers militaires ont fait irruption dans des cellules inoccupées, tout juste à côté des cellules abritant les prisonniers afghans.

En moyenne, on comptait de six à huit prisonniers par cellules. Le but était de créer graduellement un climat de haute tension. Les policiers militaires effectuaient leur entrée dans le centre de détention, sans avertissement, à tout moment de la journée et en hurlant afin de maximiser l'impact et l'effet de surprise.

Mais après une dizaine d'incursions sans obtenir d'informations jugées cruciales, les policiers militaires ont modifié leur stratégie, à la demande de leurs supérieurs. Un soir de janvier 2011, ils ont fait irruption dans les cellules habitées en portant leur casque militaire et munis d'un bouclier et d'un bâton. Certains policiers étaient armés. Ils ont plaqué des prisonniers au sol ou contre le mur tout en poussant des cris. Le climat de terreur a alors atteint son paroxysme: certains prisonniers ont été terrifiés au point de déféquer et d'uriner dans leurs vêtements.