Le temps pourrait être le véritable ennemi des pays alliés qui ont des milliers de soldats en Afghanistan.

Avec le retrait prévu des troupes de l'OTAN en 2014, les réformes en matière de gouvernance et de sécurité pourraient ne pas être suffisamment enracinées pour permettre à ce pays de voler de ses propres ailes.

C'est du moins ce qu'affirme le greffier du Conseil privé, Wayne Wouters, dans une note confidentielle au premier ministre Stephen Harper datée du 26 janvier. M. Wouters a rédigé cette note après une visite d'une semaine en Afghanistan.

«Un pays est en train d'être construit à partir de zéro. Le principal défi (et la principale préoccupation) est le temps. Avec le retrait militaire prévu en 2014, plusieurs des réformes en cours en Afghanistan doivent être bien implantées si l'on veut espérer une paix et une sécurité durables», estime le grand patron de la bureaucratie fédérale.

En novembre dernier, au sommet de Lisbonne, les pays membres de l'OTAN ont adopté un plan visant à remettre graduellement la responsabilité de la sécurité entre les mains des troupes afghanes en prévision de leur retrait.

Mais la semaine dernière, le représentant spécial de l'Alliance militaire pour la région du Caucase et de l'Asie centrale, James Appathurai, a affirmé au journal allemand Deutsche Welle que l'OTAN maintiendra des troupes en Afghanistan après 2014.

«Nous ne partirons pas tant que les Afghans ne pourront pas assurer leur sécurité de manière indépendante», a indiqué M. Appathurai. Selon lui, l'OTAN restera pour aider le pays «dans tous les domaines où ce sera nécessaire».

Le Canada, qui a actuellement quelque 2500 soldats dans la région de Kandahar (la province la plus dangereuse), ramènera ce nombre à 950 à compter du 1er juillet. Les troupes seront déployées dans la région de Kaboul, où elles poursuivront la formation des soldats afghans afin qu'ils puissent eux-mêmes assurer la sécurité de leur pays.

La Presse a obtenu la note de M. Wouters alors que Stephen Harper a fait une visite-surprise en Afghanistan, lundi, quelques semaines avant que le Canada ne mette fin à son engagement militaire de cinq ans dans la région de Kandahar.

M. Harper a déclaré à des centaines de soldats rassemblés à l'aéroport de Kandahar que le long et sanglant combat visant à empêcher que la région ne retombe entre les mains des talibans avait été la «grande entreprise» du Canada.

«Vous avez été des guerriers courageux, et vous êtes également des voisins compatissants», a-t-il déclaré à environ 500 soldats rassemblés pour un barbecue.

«Vous avez agi exceptionnellement bien. De la part de tous les Canadiens, je vous salue.» Depuis 2002, 156 soldats canadiens ont été tués en Afghanistan, en plus d'un diplomate et d'une journaliste.

Le premier ministre a affirmé que la mission canadienne avait été fructueuse.

«Le monde est allé en Afghanistan, un endroit si brutal qu'il était devenu une menace pour la terre entière», a déclaré M. Harper aux journalistes.

«Peu importent les problèmes et les défis qui subsistent, l'Afghanistan n'est plus une menace pour le monde.»

Le premier ministre a également confirmé que jusqu'à 950 formateurs et employés de soutien seront envoyés en Afghanistan dans le cadre d'une mission de formation.

Dans sa note de janvier au premier ministre, M. Wouters estime que le fait que les États-Unis aient envoyé des milliers de soldats de plus l'an dernier dans la région de Kandahar a tout changé: «Kandahar est devenu une base de plus de 30 000 soldats venus de 40 pays. Il y a maintenant quatre bataillons dans le district de Kandahar alors qu'auparavant il n'y avait que le bataillon canadien. Par conséquent, des régions qui ne pouvaient pas être défendues par nos forces dans le passé demeurent maintenant sous le contrôle des forces alliées», explique M. Wouters dans sa note au premier ministre.

«Pour conserver ces régions, les forces alliées travaillent étroitement avec les employés civils pour obtenir l'appui des villages qui étaient jusqu'à tout récemment sous l'emprise des talibans», ajoute-t-il dans sa note de cinq pages dont plusieurs passages ont été caviardés.

Selon lui, l'un des dossiers prioritaires doit être la construction de routes afin de relier des villages complètement isolés aux centres urbains. Cela permettra aux villageois de vendre leurs produits agricoles ou autres et d'acheter des biens de première nécessité.

M. Wouters a eu l'occasion de visiter le centre de détention de Kandahar où sont incarcérés les prisonniers afghans sous la responsabilité des troupes canadiennes. Il s'est dit «impressionné» par le traitement que reçoivent les détenus. «Ils ont mis sur pied un régime qui traite ces individus de manière humaine (permettre un temps de prière, bonne nourriture et des vêtements chauds). Je n'ai rien vu durant ma visite qui soulèverait des questions au sujet de la façon dont nous traitons ces détenus», a dit M. Wouters.

Cela dit, M. Wouters n'a pas visité les endroits où des prisonniers transférés par des soldats canadiens auraient été victimes de sévices dans le passé.

«Il est difficile de prédire ce que réserve l'avenir pour l'Afghanistan. Comme je l'ai dit précédemment, nous pouvons être fiers des efforts militaires et civils pour ramener la stabilité et la paix dans ce pays. Mais en fin de compte, tout dépendra de la volonté et de la détermination du peuple afghan. Il leur revient de tracer la voie de leur pays», conclut M. Wouters.

- Avec William Leclerc et La Presse Canadienne