La nouvelle mission des militaires canadiens en Afghanistan, qui mise sur la formation des forces de sécurité afghanes, pourrait bien se retourner contre le Canada et ses alliés, estime le chef du NPD, Jack Layton. Certains des soldats nouvellement formés, croit-il, pourraient aussitôt déserter l'armée pour joindre les rangs des insurgés.

Dans un discours qu'il prononcera aujourd'hui à l'Université d'Ottawa, et que La Presse a obtenu, M. Layton élabore la stratégie du NPD pour aider l'Afghanistan, sur trois axes: désengagement militaire, diplomatie et développement. La prolongation de la mission militaire du Canada, qui devait se terminer en juillet 2011, a été annoncée l'automne dernier par le premier ministre Stephen Harper, après une entente conclue en catimini avec les libéraux de Michael Ignatieff.

Les soldats canadiens seront maintenant postés à Kaboul, plutôt que dans la région de Kandahar, où ils se trouvaient depuis 2006.

Mais cette nouvelle mission comporte d'importants risques, selon le chef néo-démocrate. «Chaque année, un soldat sur cinq quitte l'armée afghane, souligne M. Layton dans son discours. Combien d'entre eux deviennent des combattants talibans, en emportant avec eux leur formation et leurs armes modernes?» «C'est la réalité d'une guerre sans adversaires définis, ajoute-t-il. On forme des employés de l'État, mais par inadvertance, on se retrouve à entraîner des insurgés aussi.»

Le NPD croit par ailleurs que même si les agents et soldats formés demeurent loyaux, ils seront sujets d'un gouvernement - celui d'Hamid Karzaï - considéré comme corrompu par les observateurs internationaux et même le premier ministre Harper, qui affirmait en novembre dernier ne plus faire confiance à l'administration actuelle pour gérer l'aide au développement.

Les soldats canadiens, même s'ils seront loin des théâtres d'affrontement, ne seront pas à l'abri d'un changement d'orientation de la mission, estime M. Layton, qui craint que de nouveaux décès s'ajoutent aux 154 militaires canadiens tués en Afghanistan depuis 2002.

Pour le NPD, la contribution du Canada devrait se concentrer sur la diplomatie et le développement: former des travailleurs de la santé, appuyer des programmes d'apprentis en construction, régler les enjeux locaux avant de s'attaquer à un processus de paix plus large, impliquer les citoyens ordinaires dans la réconciliation nationale.

La moitié des Afghans ont moins de 15 ans, rappelle le chef néo-démocrate. «Ils peuvent devenir la génération qui rebâtira l'Afghanistan, conclut-il. Ou ils peuvent former la prochaine cohorte d'insurgés désespérés.»