La drogue fait partie de l'environnement de la base avancée canadienne à Sperwan Ghar et de toute la zone d'opération des troupes canadiennes. Pavot ou cannabis, selon les saisons. Il n'y a qu'à se pencher pour se servir, et certains ne se gênent pas. Un jour, un soldat vient me chercher pour « me montrer quelque chose «. Il m'invite à le suivre jusqu'à une pièce qui sert de chambre à une poignée de soldats. Il ouvre la porte. Ses collègues sont hilares : du pot est en train de sécher sur des fils qui courent sur toute la longueur d'un des murs. L'un d'eux suggère à la blague que je prenne une photo.

Je décline poliment son invitation.

Les autorités militaires canadiennes n'ont jamais caché que la facilité avec laquelle les soldats déployés en Afghanistan peuvent se procurer des stupéfiants les préoccupait. « L'accès à des drogues illicites est la routine», précise une note de briefing adressée en 2007 par un responsable de la police militaire au commandant de la Force opérationnelle.

Chaque année, les policiers militaires mènent des investigations reliées à ce problème (...). Si on en croit leurs rapports, les fautifs, soldats et civils, ont été surpris en train de fumer du haschisch ou en possession d'une pipe à haschisch ou de boulettes. Certains ont été démasqués à la suite d'inspections menées avec des chiens renifleurs juste avant leur départ de Kandahar pour le Canada. Pour ces amateurs de paradis artificiels, la sanction est immédiate : rapatriement au Canada et éventuellement incarcération dans une prison des Forces canadiennes.

Le célèbre haschisch afghan est tellement prisé que certains trafiquants ne reculent devant rien pour satisfaire leurs clients. Y compris le faire pénétrer par camion sur la base de KAF.

Le 27 novembre 2008, deux petits sacs remplis de haschisch ont été découverts par hasard dans la cour de l'Unité d'appui du génie lors du déchargement d'un camion d'une compagnie afghane rempli de pièces métalliques. Les deux chauffeurs ont été interrogés, mais les rapports préliminaires et succincts de la police militaire que j'ai consultés ne permettent pas d'en apprendre plus. Impossible de savoir s'il s'agissait d'une première avortée ou d'un mécanisme d'approvisionnement des troupes canadiennes bien huilé et bénéficiant de complicités internes.

(...) La drogue la plus prisée des militaires est la marijuana, devant la cocaïne et l'ecstasy. Les drogues synthétiques de type méthamphétamine demeureraient en revanche marginales. [...] Quand des soldats ne se droguent pas volontairement, ce sont les paysans du secteur de Sperwan Ghar qui se chargent de le faire.

À chaque récolte, les Afghans ont l'habitude de ne conserver que les cocottes. Tout le reste est brûlé sur place. Des milliers de plans dévorés par les flammes. Et une épaisse fumée odorante qui se balade au gré des vents jusque sur la base.

Martyrs d'une guerre perdue d'avance sera en librairie mercredi.