Le président afghan, Hamid Karzaï, a annoncé cette semaine que les sociétés de sécurité privées n'auront plus le droit de pratique d'ici quatre mois. Cette décision complique encore la mission canadienne, parce que les soldats canadiens devront assurer eux-mêmes la sécurité de leur base.

«Nous avons assez d'effectifs pour assurer la sécurité de nos bases par des soldats canadiens», explique le lieutenant Kelly Rozenberg, porte-parole des Forces armées canadiennes à Ottawa. Le Canada attribue neuf contrats de sécurité à quatre firmes, en majorité afghanes. La facture totale s'est élevée à neuf millions de dollars l'an dernier.

«Plutôt que de pouvoir envoyer ces troupes-là faire des patrouilles, les soldats canadiens devront rester autour des bases avancées et à la base de l'équipe de reconstruction dans le centre de Kandahar», déplore le major général à la retraite Terry Liston, en entrevue avec La Presse. «C'est un gaspillage de ressources.»

Par voie de communiqué, le président Karzaï a affirmé que les bases militaires étrangères, celles des ONG et les ambassades seraient gardées par la police et les soldats afghans. Mais selon M. Liston, seule l'armée afghane est assez bien armée pour assurer la garde de bases dans les zones à risque. «Et encore là, c'est un gaspillage d'utiliser des soldats formés pour la patrouille à des tâches statiques.»

La tactique pourrait aussi n'être qu'une simple manoeuvre de négociation. M. Liston note que cela fait longtemps que le président Karzaï a prévenu que les 40 000 employés des sociétés de sécurité privées devraient être intégrés à la police et à l'armée afghanes.

«Parler de quatre mois, c'est irréaliste, mais ça montre que Karzaï est sérieux quand il dit qu'il veut intégrer tout ce monde à la police et à l'armée nationales», ajoute Hassan Houchang-Yari, politologue au Collège militaire royal de Kingston.

Le problème principal sera d'escorter les convois de ravitaillement qui partent du Pakistan et qui traversent des zones extrêmement dangereuses, selon M. Houchang-Yari. «On ne peut pas imaginer des soldats étrangers, canadiens ou autres, au Pakistan, note le politologue de Kingston. Il faudra sûrement garder les compagnies privées plus longtemps que quatre mois.» Le lieutenant Rozenberg précise que la protection des convois est organisée par l'OTAN.

L'objectif de M. Karzaï a été salué par le sénateur américain John Kerry, président du Comité des relations étrangères du Sénat, qui était en visite à Kaboul plus tôt cette semaine. Mais le New York Times rapporte que M. Kerry avait lui aussi des réserves quant au délai de quatre mois.

«Parmi ces sociétés privées, on retrouve les milices des anciens seigneurs de la guerre, dit M. Liston. Ils ont parfois des milliers d'hommes armés, qui sont plus forts que certains gouverneurs. Et même les firmes étrangères utilisent du personnel afghan. La base du problème, c'est qu'il faut 600 000 à 700 000 soldats pour assurer la sécurité en Afghanistan, et qu'il n'y en a même pas 40 0000.»

Les simples exigences administratives d'annulation des contrats rendent l'échéance de quatre mois impossible à respecter, note Stephen Biddle, spécialiste de l'Afghanistan au Council of Foreign Relations, à New York.

«Il ne faut pas non plus faire comme en Irak avec la dissolution de l'armée en 2003, qui a créé un large groupe d'hommes armés sans emploi, soulève M. Biddle. C'est une recette pour augmenter les rangs des insurgés.»