Même s'ils maintiennent publiquement que les discussions vont bon train quant à la consultation de documents sur les détenus afghans, le gouvernement et l'opposition ont avoué, jeudi, qu'une entente ne sera peut-être pas conclue d'ici mardi.

Dans une décision historique rendue il y a dix jours, le président de la Chambre des communes, Peter Milliken, donnait raison à l'opposition, qui réclame depuis l'automne d'avoir accès à des copies non censurées de documents offrant des détails sur le traitement de détenus afghans transférés par le Canada aux autorités afghanes.

M. Milliken avait alors ordonné aux parlementaires de s'entendre d'ici mardi prochain sur un mécanisme qui permettrait aux députés de consulter les dossiers, tout en s'assurant de protéger les informations confidentielles qui s'y trouvent et la sécurité nationale.

Sinon, l'opposition pourra accuser le gouvernement d'outrage au Parlement, une procédure qui pourrait se solder ultimement par une élection, si les conservateurs le souhaitent.

Pessimisme

Si les représentants des quatre partis fédéraux se disaient confiants, lundi, d'en arriver à une entente d'ici vendredi, voilà que le ton était plus pessimiste suite à la dernière rencontre, qui s'est tenue jeudi matin.

A leur sortie de cette troisième réunion en sept jours, les députés de l'opposition ont reconnu qu'ils auront peut-être besoin d'un peu plus de temps.

Le gouvernement est venu à la table de négociations avec des propositions, jeudi, mais il n'a pas fait suffisamment de compromis, selon eux.

«Je vais leur donner ça: les conservateurs ont répondu positivement à quelques-unes de nos propositions, mais il y a d'autres conditions qui, je pense à ce moment-ci, ne sont pas acceptables pour les partis d'opposition», a expliqué le néo-démocrate Joe Comartin.

«Ça commence à être serré, à savoir si on pourra y arriver (à une entente) d'ici (mardi)», a-t-il avoué, à l'instar de ses collègues libéraux et bloquistes.

Les conservateurs, eux, ont été avares de commentaires. Le ministre de la Justice, Rob Nicholson, a simplement indiqué, en quittant les lieux à la hâte, que la réunion d'une heure s'était bien déroulée.

Un comité de quelques députés

Pour le moment, le gouvernement et l'opposition se sont entendus pour mettre en place un comité de quelques députés, qui seront assermentés et chargés d'étudier les documents à huis clos. Et ils pourront avoir recours à des ressources pour les conseiller, a-t-on indiqué.

Le comité pourrait compter un député par parti, et possiblement un suppléant. A moins de choisir une composition plus proportionnelle, en fonction du poids des partis aux Communes, ont expliqué des sources.

Reste à savoir, cependant, ce qu'il adviendra si le groupe ne s'entend pas sur les informations qui pourront être divulguées aux parlementaires ou publiquement.

Et c'est là qu'achoppent les négociations, notamment. Car le gouvernement insiste depuis le début de cette affaire pour protéger coûte que coûte les renseignements, plaidant qu'il doit protéger la sécurité nationale et respecter ses obligations internationales envers ses alliés.

Les députés veulent donc décider dès maintenant si, en cas de litige, la décision finale sera laissée à un vote de la majorité au sein du comité ou entre les mains d'une tierce partie, et si oui, laquelle. Mais même au sein de l'opposition, il n'y a pas consensus.

Le néo-démocrate Jack Harris a indiqué que plusieurs options demeuraient sur la table, comme de demander l'avis du Parlement, d'un juge ou celle du président Milliken, lorsque viendra le moment de régler le différend. Le comité pourrait aussi se tourner vers un arbitre ou un panel de quelques conseillers, deux idées que considère le gouvernement, selon des sources.

Les conservateurs ont également soulevé l'idée de chercher un consensus au comité, mais il est hors de question pour l'opposition de céder un tel droit de veto au gouvernement, ont relaté les informateurs.

L'opposition se défend de reculer

L'opposition s'est par ailleurs défendue de reculer devant le gouvernement, même si les trois partis sont unis et que le président Milliken leur a reconnu le droit d'exiger l'accès aux documents.

Libéraux, néo-démocrates et bloquistes ont tous indiqué qu'ils pourraient demander la collaboration du président Milliken s'ils approchent d'une entente avec le gouvernement mais que les quatre partis ont besoin d'un délai au-delà de la date butoir de mardi.

«Ce n'est pas un jeu de qui cèdera le premier, ici. C'est de s'occuper sérieusement de l'intérêt public canadien, et nous prenons cette responsabilité au sérieux», a fait valoir le leader parlementaire du Parti libéral, Ralph Goodale.

L'opposition n'a cependant pas précisé si elle avait soulevé la question avec M. Milliken, mais il ne fait aucun doute, selon elle, que le président de la Chambre accepterait une telle requête.

«Disons qu'on était à la veille d'un règlement et qu'il y aurait quelques détails, je suis convaincu que le président serait ouvert à nous laisser quelques heures quand même», a assuré le leader parlementaire du Bloc québécois, Pierre Paquette.

Les partis n'ont pas prévu de rencontre d'ici lundi, mais les discussions risquent de se poursuivre par téléphone au courant de la fin de semaine, selon des sources.

L'opposition tente de déterminer, depuis l'automne, si le gouvernement Harper a été averti que les détenus transférés par le Canada aux autorités afghanes risquaient la torture, et si oui, à quel moment. Car le fait d'exposer des détenus à un risque de torture contrevient au droit international.