L'Etat-major de la Défense s'est penché sur les allégations de mauvais traitements de prisonniers en Afghanistan et a déterminé que certains noms mentionnés dans un article de journal en 2007 correspondaient à ceux de prisonniers détenus par le Canada, selon ce qui a été déclaré aux membres d'une commission, jeudi.

Mais cela n'a pas été suffisant pour convaincre le haut gradé de la police militaire qui a mené cette enquête d'approfondir l'affaire.

Le lieutenant-colonel Douglas Boot et une petite équipe du Commandement de la Force expéditionnaire du Canada, qui dirigent les opérations militaires à l'extérieur de l'Amérique du Nord, a estimé que l'histoire du Globe & Mail ne méritait pas une enquête plus approfondie.

«Ce n'était pas ma responsabilité, en tant que policier militaire, d'enquêter sur des allégations selon lesquelles les autorités afghanes auraient apparemment - apparemment- maltraité leurs gens», a-t-il déclaré. «Je n'ai aucune autorité, absolument aucune autorité pour faire cela.»

Le lieutenant-colonel a expliqué jeudi, devant la Commission d'examen des plaintes concernant la police militaire, qu'il croyait que cette responsabilité échouait aux représentants du Service correctionnel du Canada ou du ministère des Affaires étrangères.

«Mes policiers militaires en avaient déjà plus qu'assez avec leurs propres responsabilités, a-t-il affirmé, témoignant qu'il a été tiré dans toutes les directions durant son mandat en tant que grand prévôt du Commandement de la Force expéditionnaire du Canada d'août 2006 à juillet 2007.

Il supervisait alors 27 différentes opérations militaires dans le monde.

«J'utilise souvent le terme psychotique, a dit Boot en décrivant sa charge de travail. C'était incessant», a-t-il ajouté.

La charge de travail se serait encore alourdie après la publication de l'article du Globe & Mail au sujet des détenus afghans.

«A partir de ce moment, les problèmes reliés aux détenus ont occupé toutes les heures de la journée.»

Douglas Boot ne commandait pas la police militaire à Kandahar lorsqu'il était grand prévôt. Son travail consistait à être un agent de liaison entre la police militaire et la Force expéditionnaire du Canada, tout en agissant comme conseiller pour son dirigeant.

Il a souligné qu'il ne recevait pas copie des courriels du diplomate Richard Colvin qui envoyait des avertissements sur ce qui se passait dans les prisons afghanes.

M. Colvin a créé des remous l'an dernier lorsqu'il a déclaré devant un comité parlementaire que presque tous les prisonniers capturés par les troupes canadiennes en 2006 et 2007 ont été torturés par les autorités afghanes.

Le témoignage du lieutenant-colonel Douglas Boot arrive un jour après celui d'un ancien traducteur de l'armée, Malgarai Ahmadshah, qui a choqué le comité parlementaire avec ses allégations explosives contre les forces armées canadiennes, incluant une déclaration que des soldats ont tué un adolescent afghan innocent et qu'ils ont ensuite tenté de camoufler cette bavure.

Dans un communiqué, le Chef d'état-major de la Défense des Forces canadiennes, Walt Natynczyk, a promis de se pencher sur ces «graves accusations».

Le ministre de la Défense Peter MacKay n'a pas caché son irritation envers les appels de l'opposition pour la tenue d'une enquête publique sur les détenus afghans.

«Nos troupes méritent certainement mieux que des salissures, des allégations, des allusions non précises au sujet de leur performance», s'est-il insurgé, jeudi, à la Chambre des Communes.

Le député libéral Bob Rae, qui était présent lorsque Malgarai a lâché ses bombes, a rétorqué que MacKay «essaie de détruire la crédibilité du messager et ensuite détruire la réputation de ceux qui posent des questions». Selon lui «tout cela n'empêche pas qu'il y a des questions auxquelles il faudra des réponses».

La Commission d'examen des plaintes concernant la police militaire se penche sur les allégations formulées par la section canadienne d'Amnistie internationale et par l'Association des libertés civiles de la Colombie-Britannique. Ces organismes prétendent que la police militaire n'a pas correctement enquêté sur les officiers responsables du transfert aux autorités afghanes de détenus, les rendant vulnérables à la torture.

Le transfert de détenus à des pays où ils risquent d'être torturés est considéré comme un crime de guerre.