Les services de renseignements afghans auraient refusé, cet été, de mettre en détention des prisonniers capturés par les forces canadiennes parce que l'armée ne fournissait pas de «preuves suffisantes» d'actes répréhensibles, a appris La Presse Canadienne.

Ainsi, l'interruption du transfert de prisonniers contredit les allégations du gouvernement fédéral selon lesquelles l'armée canadienne aurait refusé de remettre des détenus afghans aux autorités de ce pays parce que les autorités locales ne se conformaient pas à l'obligation de lui accorder un accès sans entrave aux prisonniers.

Le ministre de la Défense, Peter Mackay, avait fourni cette dernière explication à la Chambre des communes le 23 novembre. Mais il n'avait pas fait de mention de cette dispute avec la Direction nationale de la sécurité (DNS) de l'Afghanistan, le service de renseignement afghan.

L'ancien diplomate, Richard Colvin, a affirmé devant un comité spécial de la Chambre des communes il y a deux semaines que des Afghans ordinaires étaient souvent pris dans des opérations de sécurité avec peu de preuves d'actes répréhensibles. Les conservateurs fédéraux et l'armée canadienne ont nié ces allégations.

Mais une note interne datée du 19 septembre 2009 a donné foi aux allégations de Richard Colvin.

Toujours selon la note interne qui a largement circulé au sein du gouvernement fédéral et de l'OTAN, la décision du gouvernement afghan de cesser le transfert des prisonniers a précipité la tenue d'une rencontre entre l'ambassadeur canadien et le président de la Direction nationale de la sécurité (DNS) de l'Afghanistan, le général Amrullah Saleh. La réunion aurait eu lieu le 6 septembre.

Selon le document, qui a été montré à La Presse Canadienne sous le sceau de la confidentialité, le commandant local de la DNS refusait d'accepter le transfert de détenus capturés par les forces canadiennes en raison de l'insuffisance de preuves.

«Saleh a indiqué qu'il serait utile si les Forces canadiennes pouvaient fournir davantage d'informations (c'est-à-dire des détails sur ce qui se passait dans cette zone au moment de la capture) concernant le contexte des détentions parce que les détenus allégueront inévitablement qu'ils sont de simples fermiers, qui travaillaient sur leurs terres lorsqu'ils ont été capturés», peut-on lire sur la note, qui n'a pas été censurée.

Le transfert de prisonniers a pris fin cet automne, mais l'armée n'a pas voulu préciser à quel moment, invoquant des motifs de sécurité opérationnelle.

Ainsi, avec peu ou pas de preuves pour détenir les suspects, l'agence de renseignement a procédé à leur libération, au grand dam de l'armée canadienne. D'ailleurs, l'ambassadeur canadien en Afghanistan, William Crosbie, a indiqué que la libération de détenus avait un effet démoralisateur auprès des soldats canadiens.

De plus, Amrullah Saleh s'est également plaint du fait que la controverse politique ininterrompue au Canada au sujet des allégations de torture a conduit plusieurs prisonniers à prétendre automatiquement qu'ils ont été torturés.

Cela monopolise les ressources, selon M. Saleh, puisque cela nécessite des enquêtes officielles.