Alors que le gouvernement continue de rejeter la tenue d'une enquête publique sur le sort réservé aux prisonniers afghans transférés par les troupes canadiennes, l'opposition n'a pas lâché prise, aux Communes vendredi, mettant de l'avant d'autres rapports faisant état de cas de torture dans les prisons afghanes.

Les conservateurs ont maintenu le même discours que la veille aux Communes, en mettant en doute la crédibilité d'un diplomate qui a rapporté, devant un comité parlementaire mercredi, que le gouvernement était bien au fait des cas de torture de détenus afghans dès 2006.

Le diplomate Richard Colvin, qui a été en poste en Afghanistan pendant 17 mois en 2006-2007, a révélé que tous les Afghans capturés par l'armée canadienne et transférés aux autorités afghanes étaient torturés et que, dans bien des cas, il s'agissait d'innocents.

Et alors que le gouvernement de Stephen Harper a soutenu pendant des mois qu'il ne possédait aucune preuve crédible de ces allégations, M. Colvin a affirmé en avoir informé à l'époque de hauts dirigeants des sphères politique et militaire.

En réplique à la stratégie des conservateurs, qui martèlent que le témoignage de M. Colvin n'était rien de plus que des ouï-dires, le Nouveau Parti démocratique (NPD) a mis de l'avant des rapports rédigés par un autre diplomate canadien, Nicholas Gosselin, et par la Commission indépendante des droits de la personne en Afghanistan (CIDPA).

Les documents, cités lors de la période des questions aux Communes par le critique du parti en matière d'affaires étrangères, Paul Dewar, font eux aussi état de cas de torture dans des prisons afghanes.

Dans un document rendu public en janvier 2008, M. Gosselin indique notamment que, lors d'une visite dans un centre de détention de Kandahar, un prisonnier afghan lui aurait affirmé avoir été battu. Des fils électriques et un tuyau de caoutchouc se trouvaient sous une chaise, lesquels auraient été utilisés pour le fouetter, selon les propos du détenu.

L'étude de la CIDPA, publiée en avril 2009, rapportait quant à elle que la torture était pratique courante entre autres chez la police et dans les centres de détention et les prisons.

A l'instar de ses propos tenus la veille, le ministre de la Défense, Peter MacKay, qui était aux Affaires étrangères à l'époque des faits allégués par M. Colvin, a néanmoins réitéré vendredi, à Halifax, que le témoignage du diplomate n'était «pas crédible».

En Chambre, son collègue des Transports, John Baird, a repris son discours.

«En tant que gouvernement, nous devons agir en se basant sur des faits, pas des ouï-dires, pas des informations de seconde ou troisième main, et certainement pas des informations provenant de talibans», a argué M. Baird.

M. Colvin avait toutefois fait valoir, en comité, que plusieurs des Afghans arrêtés n'étaient pas des combattants, mais plutôt des gens locaux, des fermiers ou des paysans.

«Les gouvernements se basent toujours sur des rapports. S'ils ne pouvaient pas se fier aux rapports de leurs propres fonctionnaires, ils ne pourraient rien faire», a rétorqué le critique du NPD pour la défense, Jack Harris, à sa sortie des Communes.

Les trois partis d'opposition ont par ailleurs répété qu'il était impossible que le premier ministre Harper n'ait pas été mis au courant des faits allégués par M. Colvin dès 2006, comme il l'a toujours souligné.

Parmi les destinataires de la quinzaine de rapports envoyés par M. Colvin figuraient le sous-ministre délégué aux affaires étrangères de l'époque, David Mulroney, et l'ex-conseillère nationale du premier ministre pour la sécurité, Margaret Bloodworth.

«Comment le premier ministre peut-il prétendre ne pas avoir entendu parler ni vu les rapports de M. Colvin quand ses plus proches conseillers les avaient vus?», a lancé le libéral Stéphane Dion, lors de la période des questions.

«Le premier ministre va-t-il admettre qu'il était au fait de la situation dès mai 2006 et qu'au lieu de prendre ses responsabilités, il a tenté d'étouffer l'affaire en mettant le couvert sur la marmite?», a pour sa part soutenu le bloquiste, Pierre Paquette.

Les partis d'opposition n'ont pas l'intention de baisser les bras, quant à la nécessité d'une enquête publique. Ils ont tour à tour assuré qu'un jour ou l'autre, les conservateurs devront répondre à leurs questions. Et plus ils attendent pour le faire, plus leur crédibilité sera compromise auprès de la population, ont-ils avancé.