Dans leur baraquement de fortune, moitié tente, moitié abri de planche et de tôle, ces soldats canadiens sont peut-être loin de Washington, mais ils sont sur le front et ils accueillent avec satisfaction l'annonce de renforts américains faite vendredi par le président Barack Obama.

Sur la base avancée de Masum Ghar, un avant-poste composé de bunkers et de tentes à l'ouest de Kandahar, les militaires canadiens gèrent des projets de construction dans une zone où les guérilleros talibans sont très actifs. Pour eux, l'ajout de 21 000 soldats américains supplémentaires en 2009 en Afghanistan représente à coup sûr une assistance appréciée.«Nous avons besoin de plus de troupes», a résumé, dimanche, le matelot-chef Lee Bickerstaffe, de Victoria, déployé au sein de l'Organisation de la gestion de la construction (OGC), un organisme de l'armée canadienne qui est maître d'oeuvre de projets d'infrastructures, comme des routes et des canaux d'irrigation.

Dans la salle commune, qui est une extension en contreplaqué et en tôle de leurs tentes d'hébergement, les militaires de l'OGC de Masum Ghar, après leur quart, se détendent devant leur écran plat, assis sur des futons, jouent à des jeux vidéo, naviguent dans Internet ou jouent aux dards. Plusieurs d'entre eux ont amorcé leur compte-à-rebours, puisqu'ils reviendront au pays en avril, après l'arrivée de la relève.

Arguant qu'il revenait aux Américains ou à Ottawa de commenter, le personnel des relations publiques des forces canadiennes à Kandahar avait refusé, samedi, de s'exprimer sur le Livre blanc de Washington, mais, à Masum Ghar, à la fin d'une longue journée de travail dans un chantier sous un soleil de plomb, les langues se délient, une fois les soldats de retour sur la base.

«L'arrivée de nouveaux effectifs américains) va certainement nous aider, surtout pour le mentorat», a plaidé le caporal Peter Mitchell, rattaché au génie, à Trenton, en Ontario. Marié et père de trois enfants, le caporal en est à sa deuxième affectation et il veille au terrassement de la route Foster, non loin de la base.

Le mentorat consiste à former et encadrer l'armée et la police afghanes, afin de les rendre plus professionnelles et autonomes, pour qu'un jour ils prennent à leur charge la sécurité de leur pays. C'est un projet cher aux militaires canadiens, et d'ailleurs, le président américain a fait de la croissance des forces afghanes un de ses objectifs principaux, dans sa déclaration de vendredi.

«Faire du mentorat, faire ce que les troupes canadiennes font, c'est la façon de gagner, a soutenu le matelot-chef Bickerstaffe. Le mentorat permet (aux Afghans) d'être autosuffisants, à un niveau adéquat pour prendre en charge la sécurité de leur pays. Les Afghans ne sont pas stupides. Quand ils pourront se défendre eux-mêmes, on verra de meilleurs résultats.»

Selon le caporal Mitchell, on peut facilement voir la différence entre les policiers afghans qui ont été formés et ceux qui ne l'ont pas été, car ces derniers sont plus indisciplinés.

Au dire du matelot de première classe Robert Boucher, aussi de Victoria, il est clair que les effectifs ne sont pas suffisants dans le secteur pour encadrer les travailleurs locaux sur les chantiers ou pour former les futurs militaires ou policiers afghans.

Il en est à sa première mission en Afghanistan et il reviendrait l'organisation pourrait être améliorée, car la tâche lui semble démesurée. Pourtant, il a déjà été affecté en Bosnie, qui est restée une expérience-choc pour beaucoup de militaires canadiens.

«Ca «chie'», a confié Robert Boucher au retour de sa journée, en visionnant sur son ordinateur une vidéo sur les enfants de villages avoisinants, attristé par leur misère.

Au cours de la dernière année, des soldats canadiens en Afghanistan ont fait part de leur frustration, relativement au progrès de la mission et au bien-fondé de leur sacrifice.

Il y a eu des attentats visant les chantiers, a rappelé Robert Boucher, et il estime que le territoire ne semble pas encore assez sécuritaire pour que les travaux soient confiés à des entrepreneurs locaux.

De fait, depuis octobre, selon les récits des soldats de l'OGC, le chantier de la route Foster a été attaqué à coup de mortier et de roquette RPG, en plus des rafales occasionnelles. Un attentat-suicide est aussi survenu, tandis que des bombes artisanales ont été désamorcées ou ont explosé.

Les militaires interrogés dimanche à Masum Ghar font ressortir que les effectifs canadiens, trop dispersés, ne parviennent pas à couvrir correctement le vaste territoire qui leur est assigné dans la province de Kandahar. Robert Boucher fait ressortir qu'il faut s'en tenir strictement aux périmètres sécurisés, dans les environs, à Panjwai et Zhari.

«Plus on s'éloigne, plus c'est dangereux», a-t-il évoqué.

Le caporal Mitchell espère d'ailleurs que de nouvelles bases avancées comme celles de Masum Ghar seront implantées dans la province de Kandahar.

Des médias ont rapporté que la moitié des premiers 17 000 soldats américains supplémentaires qui seront déployés en Afghanistan seront envoyés à Kandahar.