Le «bon Jack» Layton, chef du Nouveau Parti démocratique, a perdu sa lutte contre le cancer qui l'a empêché de savourer le fruit de ses efforts à rebâtir la formation politique.

En juillet 2011, le politicien sympathique avait annoncé son retrait «temporaire» de la politique, en raison d'une tumeur dont il n'avait pas dévoilé la nature. Il avait cependant précisé qu'il ne s'agissait pas du cancer de la prostate qu'il combattait depuis février 2010.

Sympathique, rassembleur, Jack Layton a sans contredit été l'architecte de ce succès sans précédent de la formation de gauche.

Arrivé aux commandes en janvier 2003, le politicien d'origine québécoise a en effet hérité d'un parti déprimé qui ne comptait plus que 13 députés à la Chambre des communes, comparativement à 43 sous Ed Broadbent, en 1988.

En huit ans, il a réussi à imprimer sa vision au NPD qu'il a recentré sur la protection de l'environnement et le pacifisme, tout en continuant à lutter pour les «Canadiens ordinaires» que le NPD se targue de représenter depuis ses débuts, en 1961.

Malgré tous les efforts consentis au cours des dernières années, personne n'avait prédit l'ampleur des gains réalisés en mai, particulièrement au Québec où le parti n'avait jamais fait élire plus d'un député.

Il meurt alors que le NPD détient 103 sièges au Parlement, dont 59 au Québec, ce qui lui a permis de devenir l'opposition officielle à Ottawa.

Bourgeois socialiste

Né à Montréal le 18 juillet 1950, Jack Layton a grandi et passé son enfance à Hudson et son adolescence à fréquenter les clubs de voile, de tennis et de golf de cette banlieue anglophone cossue, située le long de la rivière des Outaouais, à l'ouest de Montréal.

L'univers de ce fils d'ingénieur ne s'est toutefois jamais limité à son milieu aisé. Il faut dire que dans la famille Layton, l'engagement politique et communautaire se transmet de génération en génération.

Ainsi, c'est l'arrière grand-père de Jack Layton, Phillip, qui a convaincu le gouvernement fédéral de verser une pension aux aveugles. Son grand-père Gilbert était quant à lui ministre dans le gouvernement de Maurice Duplessis, dont il a démissionné parce qu'il s'opposait à la conscription.

Finalement, son père Robert a été organisateur du libéral Paul Gérin-Lajoie avant d'être nommé ministre des Mines par Brian Mulroney, dans les années 1980.

Pendant ses années d'étude, le futur politicien s'est impliqué dans «l'opération McGill français» dont l'objectif était d'accroître le nombre de francophones dans les classes de l'institution d'enseignement.

Il a milité pour le logement social dès la fin des années 1960 et s'est impliqué dans le Front d'action politique, un parti municipal de gauche ancêtre du Rassemblement des citoyens de Montréal (RCM).

Au début de 1970, il a flirté un moment avec le Parti libéral du Québec où il a notamment côtoyé le chef intérimaire et candidat à la direction, Pierre Laporte.

Quelques mois plus tard, la Crise d'octobre a bouleversé leur vie à tous les deux. On sait ce qu'il est advenu du ministre du Travail enlevé puis assassiné par le Front de libération du Québec (FLQ).

On sait moins que cette période de turbulence a entraîné la conversion de Jack Layton, qui s'est joint au NPD après avoir entendu un discours du fondateur du parti, l'ancien premier ministre de la Saskatchewan Tommy Douglas, contre la Loi sur les mesures de guerre.

Convaincu, Jack Layton ne fera jamais faux bond au parti de gauche, qu'il a souvent présenté comme «la seule véritable solution de rechange progressiste pancanadienne».

Citoyen torontois

Jack Layton a quitté Montréal à l'aube de la vingtaine pour aller poursuivre ses études à l'université York, de Toronto, où il s'est vu offrir un poste de professeur. Il y a complété une maîtrise, puis un doctorat, avant de se lancer en politique municipale en 1982.

Au cours des deux décennies qui ont suivi, il a été élu conseiller à six reprises. Il a même tenté sa chance à la mairie, en 1991, sans succès. Cet échec ne semble cependant pas l'avoir démotivé. Il a en effet continué à lutter pour le logement social, les sans-abri - auxquels il a même consacré un livre- ainsi que pour le respect de l'environnement.

La ville-reine lui doit notamment son éolienne en plein centre-ville ainsi qu'un système de climatisation des édifices à bureau grâce aux eaux du lac Ontario.

Jack Layton a quitté l'hôtel de ville en 2002 pour devenir président de la Fédération canadienne des municipalités. Ce poste, qu'il n'a conservé qu'un an, lui a permis de se faire connaître d'un bout à l'autre du pays.

En dépit du succès qu'il a connu sur la scène municipale, le politicien a toujours rêvé d'être élu au Parlement du Canada. Il s'est d'ailleurs porté candidat pour le NPD aux élections fédérales de 1993 et de 1997, sans succès.

Il a finalement fait son entrée à la Chambre des communes à l'été 2004 comme député de Toronto-Danforth. Il était alors chef de son parti depuis quelques mois.

Outre sa moustache et son sourire éclatant, on retiendra de Jack Layton qu'il a prolongé la vie du gouvernement Martin en 2005 en échange de l'inclusion, dans le budget, de mesures sociales valant environ 4,6 milliards $.

Fidèle à ses convictions, il s'est aussi opposé sans relâche à l'engagement militaire du Canada en Afghanistan et a fait de l'aide aux chômeurs l'une des priorités de son parti tout au long de la crise économique et financière de 2008-2009.

Son épouse Olivia Chow représente la circonscription torontoise de Trinity-Spadina à la Chambre des Communes depuis 2006.

Jack Layton laisse aussi dans le deuil deux enfants d'âge adulte, issus d'un premier mariage, ainsi qu'une petite-fille.