Même si le décret autorisant la reconstruction en zone inondable a été adopté par Québec, des dizaines de sinistrés de la Montérégie ne sont pas au bout de leurs peines. Les entrepreneurs sont tellement occupés que la reconstruction de leur maison ne pourra pas commencer avant le printemps 2012 dans certains cas. Pour les sinistrés qui vivent dans des roulottes en attendant que leur maison redevienne habitable, il est impensable de passer l'hiver dans ces conditions.

«Même si le décret a été adopté, on a encore beaucoup de questions», affirme Micheline Rivard, qui demeure rue Laurin à Sainte-Anne-de-Sabrevois.

Sa maison, située à un jet de pierre de la rivière Richelieu, a été gravement endommagée par les inondations historiques du printemps dernier. Les fondations doivent être refaites entièrement. «J'ai commencé les démarches. Mais je n'ai pas encore de permis. L'entrepreneur est tellement occupé que les fondations ne pourront pas être refaites avant le printemps 2012. Et le gouvernement nous dit qu'on a jusqu'au mois d'août 2012 pour tout finir. Ça va s'appeler dépêche. C'est stressant», note la résidante.

Elle s'attend à recevoir 50 000$ du gouvernement pour tout refaire. «Mais ça reste à confirmer. Et je pense que je vais arriver en dessous avec ça», dit-elle.

La Presse a circulé dans plusieurs villes touchées par les inondations, hier. Les traces de la catastrophe, qui avait fait 3000 sinistrés et forcé plus de 2000 personnes à être évacuées, sont encore bien visibles. Ici, des sacs de sable sont encore empilés devant une maison. Là, des traces d'eau séchée recouvrent le mur d'une maison du plancher aux fenêtres. Plusieurs maisons ont été mises en vente.

Partout, des roulottes sont installées sur les terrains. Les gens y habitent en attendant de rénover leur maison devenue inhabitable. C'est le cas de Lenny Juteau, qui habite à Sainte-Anne-de-Sabrevois. Sa maison a été envahie par six pouces d'eau au plus fort des inondations. Tout doit être refait. «J'attendais le décret. Ç'a a été long. On est en retard dans tout. Et là, on pense devoir attendre encore jusqu'à la fin de septembre... Je ne peux pas passer l'hiver dans ma roulotte», s'inquiète l'homme.

À Henryville, la maison de Serge Dupuis est perchée sur des poutres au dessus du vide dans un montage impressionnant. «On refait les fondations. Et on monte la maison pour éviter les inondations futures», dit le propriétaire.

M. Dupuis était impatient que le décret soit adopté. Car il doit savoir combien le gouvernement lui versera afin de poursuivre les travaux. «On a hâte de savoir. Mais on ne voulait pas attendre avant de commencer les réparations. Les entrepreneurs auraient tous été pris», note M. Dupuis.

Karine Boivin, qui habite sur le bord de l'eau à Lacolle, est quant à elle aux prises avec un casse-tête logistique. Sa maison devenue inhabitable, Mme Boivin a loué un logement en attendant de terminer ses rénovations.

«On a reçu un premier chèque de 11 000$ au début de l'été pour commencer les travaux. J'ai arraché des planchers, réparé des fissures, refait des murs... Je tenais Québec au courant de tout ce que je faisais et on me disait que c'était correct. Plus tard dans l'été, on m'a dit d'arrêter les travaux. Que le décret obligerait les riverains à "immuniser" leur maison. Tout ce que j'ai fait comme travaux n'a servi à rien», dénonce Mme Boivin.

Maintenant que le décret est adopté, différentes options s'offrent à elle: abandonner sa maison en acceptant le chèque de 150 000$ du gouvernement et en donnant son terrain pour 1$ à la municipalité. Peu alléchant pour cette propriétaire dont la maison bigénérationnelle était évaluée à 300 000$ avant les inondations.

Elle peut sinon reconstruire sa maison en la protégeant contre les inondations futures. Mais elle affirme ne pas pouvoir le faire. «Pour y arriver, je dois soulever ma maison. Mais elle est déjà au maximum de la hauteur autorisée», dit-elle.

Mme Boivin pourrait sinon construire un muret anti-inondation tout autour de sa maison, mais la loi interdit ce genre de construction dans la zone où elle habite. «J'essaye d'avoir une dérogation pour pouvoir immuniser, mais jusqu'à maintenant, ça ne fonctionne pas», se désole-t-elle.

La seule possibilité qui reste est de reconstruire sa demeure sans l'immuniser, en sachant que le gouvernement ne la compensera pas si elle est de nouveau inondée dans le futur. «On ne sait plus trop quoi faire. Surtout, on est toujours incertain des réponses du gouvernement. On dirait que tout le monde se rejette la balle.»

Autre défi: le gouvernement n'offre que 20 000$ à Mme Boivin pour tout rénover. «Ce n'est pas assez, dit-elle. Si j'obtiens la permission de soulever ma maison, ça va coûter au moins 70 000$. Si j'avais eu pour seulement 20 000$ de dommages, je resterais dans ma maison! Je ne serais pas évacuée depuis cinq mois.»