Une vingtaine de maisons de Saint-Jean-sur-Richelieu touchées par les inondations historiques du printemps dernier sont maintenant considérées comme étant «fortement endommagées», voire des pertes totales par les inspecteurs de la Ville. En attendant que le décret gouvernemental autorisant la reconstruction en zone inondable soit adopté, ces maisons sont laissées à l'abandon.

La Presse a visité, mardi, deux de ces résidences totalement décrépites. Dans le quartier Saint-Eugène, une maisonnette blanche a été lourdement endommagée par la crue des eaux. Les occupants ont dû abandonner leur demeure.

Leur voisin Jules Paré a accepté de faire visiter la résidence à La Presse. «C'est vraiment magané. C'est une perte totale», dit-il. À l'extérieur, un cerne verdâtre court tout au long de la maison à environ 60 centimètres du sol. «Il y avait de l'eau partout. Les planchers ont été touchés», résume M. Paré.

La maison est tellement abîmée que les portes et les fenêtres ne sont même plus barrées. De toute façon, il n'y a plus rien à l'intérieur. Tout a été arraché. Les planchers ont été enlevés. Seuls les quelques centimètres supérieurs des murs sont encore en place. Le ventilateur accroché au plafond et un petit bout d'armoire murale sont les dernières preuves que cette maison a déjà été occupée.

La résidence devra être entièrement reconstruite. Mais la réglementation municipale ne permet pas la reconstruction en zone inondable. Le 22 juin dernier, le gouvernement a annoncé qu'il autoriserait «la reconstruction avec immunisation dans la zone inondable 2-20 ans pour les résidences principales seulement». Mais le décret gouvernemental n'a pas encore été adopté. Les sinistrés attendent pendant que leur maison se détériore.

Dans le secteur d'Iberville, toujours à Saint-Jean-sur-Richelieu, deux autres maisons ont été abandonnées, car trop endommagées. À l'intérieur de l'une d'elles, les planchers sont couverts de boue. Dans le salon, les lattes de bois du plancher ont été soulevées par les eaux et reposent pêle-mêle. Une vadrouille desséchée traîne dans un coin à côté d'une pile de gants. Les occupants ont nettoyé un peu avant de quitter les lieux.

Longue attente

Denis Danault habite rue Théroux, non loin de plusieurs maisons abandonnées. Il s'estime chanceux. «J'ai eu beaucoup de dommages au sous-sol. Le reste de ma maison a été correct», dit-il.

Mais à l'instar des propriétaires de maisons considérées comme des pertes totales, M. Danault attend impatiemment que le décret du gouvernement soit adopté avant de poursuivre ses travaux.

«J'ai déjà arraché tous les revêtements des murs et des plafonds du sous-sol. Mais là, on est sur le qui-vive. En fonction de ce que le gouvernement va décider, on va savoir ce qu'on peut faire», dit-il. À l'exception d'une forte odeur de moisi qui se dégage du sous-sol, M. Danault dit ne pas être trop incommodé par l'attente. «Mais on a hâte de savoir quand même», dit-il.

À quelques kilomètres de là, à Saint-Georges-de-Clarenceville, Gustave Pilon, 95 ans, a regagné sa maison seulement lundi. Il avait évacué sa résidence le 28 avril pour se réfugier chez sa fille.

Sa maison a été très endommagée par la crue des eaux. M. Pilon déambule dans sa résidence avec ses bottes de pluie, à l'aide d'une canne. Il a de la difficulté à garder l'équilibre, car à certains endroits, son plancher est gondolé. «L'eau a tout fait bouger, dit-il. Le plancher a baissé de deux pouces. La porte de la salle de bains ne ferme plus!» La verrière située à l'arrière de la maison et offrant une vue imprenable sur le lac Champlain doit être détruite en entier. «Plus rien ne tient», résume M. Pilon.

Celui-ci est heureux d'avoir regagné sa demeure, qu'il occupe depuis 1962. Mais il sait que cette installation n'est que temporaire. «Il va falloir faire de gros travaux. À ce moment-là, je ne pourrai pas rester», dit-il. La maison devra être entièrement démolie, puis reconstruite. Mais M. Pilon attend le décret du gouvernement.

Même si les murs portent les marques des inondations, M. Pilon dit ne pas craindre les moisissures. «On a désinfecté», dit-il. Mais l'homme reconnaît que les murs devront être refaits, de même que les planchers, avant qu'il puisse se réinstaller. «Les constructeurs vont avoir de la job pour plusieurs mois ! J'ai hâte qu'ils commencent», dit-il.