Palettes, bennes à ordures et sacs poubelles. Après l'inondation et l'isolation, les rues du quartier résidentiel de St-Eugène, à Saint-Jean-sur-Richelieu, reprennent vie. Les pelouses ont moisi, une odeur fétide flotte dans l'air, mais l'heure est à la bonne humeur. À l'issue de la première journée de corvée, les bénévoles auront complètement terminé de nettoyer le quartier.

«C'est merveilleux. J'avais commencé tout seul à enlever les sacs devant la maison, mais quand ils sont arrivés, j'étais bien content», dit Éric Ouellet. Le jeune homme regarde la vingtaine de bénévoles défaire les barricades de 200 sacs de sable érigées autour de sa maison, disposés il y a quelques semaines par ses amis et lui-même. L'eau a détruit son gazon et pendant 5 semaines, la famille Ouellet a vécu au rythme des caprices des inondations. «Je peux te dire qu'après un mois, j'étais tanné en sale...»

Les maisons pimpantes de ce quartier érigé au bord de la rivière Richelieu sont devenues des petites îles pendant plus d'un mois. L'isolement des habitants contraste avec le spectacle offert par les dizaines de bénévoles venus prêter main-forte dans le quartier ce matin. Patrick Fiorelli, employé à l'Université McGill, et Santosh Pradhan, un ancien étudiant de l'Université Concordia, n'ont pas hésité une seconde à venir passer une partie de leur week-end sur les platebandes des sinistrés. «Un samedi, c'est rien pour nous. Mais pour eux, avec tout ce qu'ils ont subi, c'est quelque chose qu'on peut donner», croit Patrick.

«On est mieux servis par les autres que par soi-même»

Rue de la Gaieté française, Réjeanne accueille un groupe de bénévoles formé d'employés de Loto-Québec avec une certaine émotion. Les larmes aux yeux, elle explique avoir passé 40 jours sans pouvoir sortir de chez elle: sa porte était bloquée par les sacs de sable, et seule une barque la reliait à la terre ferme. L'eau s'est retirée au cours des derniers jours, laissant apparaître les dégâts dans toute leur ampleur. Le jardin est détruit. Le débordement de la fosse sceptique a laissé dans l'air une odeur vaseuse.

En une heure pourtant, c'est un petit miracle qu'accomplissent les bénévoles sous les yeux de Réjeanne et de sa famille. Les sacs de sable s'envolent, les uns après les autres, passant entre les mains des bénévoles. L'odeur est mauvaise, mais l'humour est là. «C'est une bonne odeur de réveil au bord de la mer!», plaisante Marthe, une bénévole accompagnée de son fils de 21 ans. Le groupe rit. Une fois le dernier sac empilé sur une palette devant la maison, les applaudissements fusent. «C'est vous qui ramenez le sourire», souffle Réjeanne. Sa belle-fille Patricia opine: «On est mieux servis par les autres que par soi-même».

Des questions sur la reconstruction

Après le nettoyage, la question de la reconstruction se profile toutefois. Certains résidents des zones inondées s'inquiètent de savoir s'ils vont pouvoir refaire leur terrain. D'autres voudraient rebâtir certaines parties de leur maison. Il reste beaucoup de questions auxquelles la mairie de Saint-Jean-sur-Richelieu ne peut répondre. «On va voir ce que le gouvernement va dire», dit Yvan Berthelot, le maire suppléant de Saint-Jean sur Richelieu. Chose certaine, dans le quartier de St-Eugène, une soixantaine de maisons devront être démolies. Un ultime coup dur pour ses administrés.

«Vous savez, j'ai vu des gens qui étaient faits fort s'écrouler. On a encore une grosse équipe psychologique pour le soutien, car tout cela est difficile et peut devenir très inquiétant, dit-il. Heureusement qu'on a bien répondu à la situation d'urgence. On a manqué de sable un après-midi seulement. Je dis chapeau. Et merci aux bénévoles, ils sont géniaux.»