Les semaines se suivent et se ressemblent en Montérégie, où le va-et-vient incessant de l'eau tient les riverains en otages depuis plus d'un mois. La situation n'est pas sur le point de se résorber. Selon les prévisions de la Sécurité civile du Québec, les crues de la rivière Richelieu et de la baie Missisquoi pourraient remonter à leurs niveaux records d'ici à dimanche.



Jeudi, des cellules orageuses formées entre les Montagnes vertes et les Adirondacks - les deux chaînes de montagnes qui ceinturent le lac Champlain - ont commencé à traverser le ciel de la vallée du Richelieu. Après quelques jours de répit, les précipitations abondantes et les orages ont contribué à faire remonter les niveaux de l'eau de 2 à 5 cm.

Selon Environnement Canada, les précipitations se poursuivront au moins jusqu'à la fin du week-end. Au cours des prochains jours, 75 millimètres de pluie sont attendus en Montérégie.

«Malheureusement, avec les pluies torrentielles annoncées d'ici à dimanche, on pourrait atteindre des niveaux comparables à ceux qu'on avait atteints les 6 et 23 mai derniers», a déclaré hier le directeur régional de la Sécurité civile en Montérégie, Yvan Leroux, lors de son point de presse quotidien à Saint-Jean-sur-Richelieu.

À partir de demain, le vent soufflera du sud, ce qui risque de pousser des quantités d'eau du lac Champlain vers la rivière Richelieu. Durant le week-end, on attend également des bourrasques de 50 km/h, ce qui laisse présager la formation de vagues impressionnantes dans les secteurs près de Venise-en-Québec.

Résilience

Sur le terrain, les sinistrés sont à la fois résignés et résilients face aux caprices de Dame Nature.

Au camping Sleepy Hollow de Noyan, hier après-midi, trois générations de la famille Smith s'affairaient à nettoyer les résidus échoués sur le gazon du terrain à la suite du recul de l'eau. «On n'y peut rien, c'est la nature qui décide», a laissé tomber Daniel Smith, copropriétaire du camping. «C'est notre 16e voyage!», a-t-il ajouté en montrant une brouette remplie de branches, de restes de chemin de fer et de treillis de bois. «Même si l'eau remonte, elle ne ramènera pas les débris avec elle en redescendant. On veut prendre une longueur d'avance. Ici, c'est notre vie, notre gagne-pain, il faut faire le maximum pour que le terrain soit prêt le plus tôt possible pour les résidants. Sinon, l'hiver risque d'être difficile.»

Sa mère de 72 ans, Joyce Smith, a aussi mis la main à la pâte. «Je suis née à Noyan, j'y ai vécu toute ma vie et je n'ai jamais vu des inondations aussi sévères. Mais c'est ça, la vie: on ne sait jamais ce qu'elle nous réserve. C'est dur, mais il faut retrousser ses manches.»

Selon la responsable des services psychosociaux du CSSS Haut-Richelieu-Rouville, Ruth Sansoucy, la situation commence à peser lourd sur les épaules des citoyens. Elle précise toutefois que ceux-ci refusent de se laisser abattre.

«La température ne vient pas aider les sinistrés. Les gens sont de plus en plus tristes, ils ont de moins en moins d'espoir. Mais, en même temps, ce que les intervenants nous rapportent, c'est que les gens ont beaucoup de résilience», a-t-elle dit.

Selon elle, l'expérience explique en partie cette résilience. «Les gens de Saint-Jean ont déjà vécu le verglas. C'est un deuxième sinistre auquel ils font face et, malgré certaines personnes qui vivent des difficultés importantes, les gens nous disent: on ne lâche pas, on sait qu'il y a des gens pour nous soutenir, on va y arriver. Les gens ont des forces intérieures qui sont extraordinaires», a souligné Mme Sansoucy.

Les intervenants psychosociaux, dont le nombre varie de 12 à 18 selon la journée, rencontrent de 100 à 150 sinistrés par jour en moyenne.

- Avec La Presse Canadienne

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Dame Nature s'acharne aussi aux États-Unis

Bien que les médias en aient peu fait état, la situation en ce qui a trait aux inondations n'est guère meilleure au sud de la frontière. Mercredi, le gouverneur de l'État de New York, Andrew Cuomo, a demandé au président Barack Obama de déclarer zone sinistrée fédérale les comtés touchés par les inondations, et ce, afin d'ouvrir la porte à une aide de Washington. Selon M. Cuomo, les dommages du côté new-yorkais du lac Champlain atteignent les 38 millions US. Plus d'un millier de résidences ont été inondées, et une quinzaine carrément détruites. De l'autre côté du lac Champlain, au Vermont, le gouverneur Peter Schumlin a décrété l'état d'urgence dès le 5 mai et demandé l'aide de la Garde nationale, équivalent américain de la réserve des Forces armées canadiennes. On y rapporte quelque 500 résidences sévèrement endommagées ou détruites et la ville de Burlington a vu l'eau s'infiltrer plus loin sur son territoire que jamais auparavant. - La Presse Canadienne