«On nous a enlevé des soldats la semaine dernière. Là, on nous les ramène. Mais c'est trop tard. C'était hier qu'ils auraient dû être là!» C'est ainsi que Gabriel Perreault, dont la maison est située au bout d'un rang inondé, à Sainte-Anne-de-Sabrevois, a réagi hier en voyant revenir les soldats.

Car après avoir retiré les trois quarts des 800 soldats déployés en Montérégie pour aider les sinistrés, la semaine dernière, les Forces canadiennes en ont redéployé 500 en tout, hier.

Même si l'eau de la rivière Richelieu a baissé de près de 20 cm hier et que cette baisse devrait se poursuivre jusqu'à demain, les renforts parvenaient mal à consoler les 3000 sinistrés, qui se remettaient péniblement de la journée de lundi, au cours de laquelle la crue des eaux a atteint un sommet historique.

Vers midi, une quarantaine de soldats s'affairaient dans le stationnement municipal de Venise-en-Québec. La Presse a pu monter dans un véhicule blindé léger et participer à une mission de reconnaissance avec l'équipe du sergent David Boursier et deux représentants de la Sûreté du Québec.

Dévastation

À Venise-en-Québec, la route qui longe le lac Champlain est dévastée. Les vagues immenses qui se sont fracassées lundi sur le rivage y ont laissé des tonnes de débris. Là, une planche à voile traîne en plein milieu de la rue. Ici, d'immenses billots de bois bloquent le passage. «C'est épouvantable», a laissé tomber un soldat.

L'équipe arrête d'abord chez Daniel Audet, qui explique que la situation était bien pire lundi et qu'il n'a plus besoin d'aide. «Mais revenez dans une semaine pour ramasser les débris!», dit-il aux soldats.

Son voisin Daniel Payette est bien heureux de voir débarquer les militaires. «On ne vous avait pas vus avant!» dit-il. Sur son terrain, un quai de quelque 900 kg a été déplacé sur plus de 10 m. Un peu partout, des sacs de sable éventrés traînent dans l'eau.

Les soldats poursuivent leur tournée. Claude Desruisseaux les accueille avec enthousiasme. Il a d'inquiétantes blessures aux jambes. Le caporal-chef David Blanc lui parle longuement et lui recommande de nettoyer le tout et de porter des bottes hautes. «N'oubliez pas que l'eau est polluée», dit-il.

Sur la défensive

Toute la journée, les critiques ont été nombreuses au sujet de la gestion des inondations en Montérégie. Plusieurs ont reproché à l'armée d'être partie la semaine dernière pour mieux revenir.

Le directeur régional de la Sécurité civile en Montérégie, Yvan Leroux, a répété que «c'est aux municipalités d'exprimer leurs besoins». «Sans ça, aucune tâche ne peut être déterminée et les soldats se tournent les pouces», dit-il. C'est justement parce qu'ils n'avaient rien à faire la semaine dernière que plusieurs sont rentrés à Valcartier.

Les critiques ont aussi fusé à Québec. En Chambre, la chef du Parti québécois, Pauline Marois, a demandé pourquoi le premier ministre Jean Charest avait attendu près d'une semaine avant d'exiger le «retour en force» des troupes en Montérégie.

Jean Charest a assuré qu'il avait demandé aux Forces canadiennes de rester, mais qu'elles ont décidé de partir. «C'était leur décision», a-t-il soutenu.

Les autorités ont refusé de dire, hier, si l'armée restera en poste assez longtemps pour aider la population à retirer les débris. «Il est encore bien trop tôt pour parler de nettoyage. On est encore en situation de crise», a expliqué le commandant de la «force opérationnelle domestique», le lieutenant-colonel Simon Bernard.

Âgé de 80 ans, Laurent Boulerice, de Sainte-Anne de Sabrevois, reconnaît que la situation est encore critique. Dans la nuit de lundi à hier, l'électricité a manqué pendant trois heures. Les pompes de M. Boulerice ont cessé de fonctionner. «L'eau a monté haut. Il ne faut pas lâcher, mais on est fatigués.»