L'eau de la rivière Richelieu continuera de monter au moins jusqu'à demain, et menace d'atteindre un niveau comparable au record atteint le 6 mai. Après trois semaines de lutte acharnée, plusieurs riverains commencent à lâcher prise.

Selon les dernières prévisions de la Sécurité publique, le niveau de la crue sera entre 5 et 10 cm en dessous du maximum du 6 mai. Ces prévisions reposent toutefois sur un scénario où le pire serait évité. «Tous les modèles ont été faits en fonction du fait qu'il n'y ait pas de pluie ajoutée», a expliqué, hier, le directeur de la Sécurité publique de la Montérégie, Yvan Leroux. «S'il y a de la pluie ajoutée, ça ira dans ce sens-là. Toutefois, la pluie annoncée par Environnement Canada est très faible.»

Le facteur vent risque aussi d'aggraver la situation. Hier, il a commencé à tourner et vient désormais du sud. S'il devait souffler de manière soutenue, un plus grand volume d'eau en provenance du lac Champlain se déverserait dans la rivière, accélérant la crue.

Ras-le-bol

Sur le terrain, hier, le mot «découragement» était sur toutes les lèvres. La baisse de dizaines de centimètres d'eau au cours de la dernière semaine avait redonné espérance aux riverains.

«Tout le monde vivait d'espoir, mais quand on a vu que ça commençait à remonter lundi, ç'a donné un gros coup à tout le monde. J'ai des voisins qui se sont battus trois semaines pour sauver leur maison, mais qui sont rendus au point où ils sont prêts à tout abandonner tellement ils sont à bout», a expliqué Sylvain Cardinal, sinistré.

Selon Michel Guy, qui vit dans le même quartier de Saint-Paul-de-l'Île-aux-Noix, certains sinistrés ont atteint un point critique. «Ce matin, j'ai évacué un couple de personnes âgées dans le secteur. L'eau était rendue au rez-de-chaussée, il commençait à y avoir des fissures dans le plancher. Au départ, elles ne voulaient pas quitter leur maison, mais ça n'avait plus de bon sens. Nous avons dû les convaincre de partir.»

Hier, la Sécurité civile a invité les quelque 3000 sinistrés de la Montérégie à maintenir et à renforcer leurs digues, mais environ 1000 personnes demeurent évacuées et ne pourront réintégrer leur domicile dans un avenir rapproché.

Encouragée par la diminution du niveau de l'eau, Diane Beaudin a décidé de rentrer chez elle après avoir quitté sa résidence deux semaines. «Et c'est reparti», a-t-elle laissé tomber sur un ton découragé. «Samedi, on pouvait voir le gazon sur notre terrain, mais maintenant tout est inondé à nouveau. C'est décourageant, on a dû relancer nos pompes. Depuis hier, on se relaie toutes les trois heures pour s'assurer qu'elles ne lâcheront pas.»

Hier, près de 600 soldats sur les 800 initialement déployés sont rentrés à la base de Valcartier. «L'armée est arrivée une semaine en retard et dès que ça recommence, ils s'en vont», a déploré Mme Beaudin.

M. Leroux a tenu à apaiser les inquiétudes des citoyens, faisant valoir que le nombre de militaires avait été réduit pour correspondre aux besoins réels sur le terrain.

Par ailleurs, c'était au tour du ministre des Affaires municipales, Laurent Lessard, de chausser ses bottes de pluie hier pour rendre visite aux sinistrés et constater l'étendue des dégâts. Ce dernier a lancé l'opération «Entraide municipale», une opération de jumelage de villes avec des municipalités sinistrées. Montréal, Brossard, Longueuil, Laval et Sherbrooke ont déjà indiqué qu'elles prêteraient main-forte à leurs consoeurs pour préparer le retour des personnes sinistrées. Ces villes prêteront leurs ressources lorsque viendra le temps de ramasser, réparer et rénover, a précisé le ministre.