Noyan et Saint-Jean-sur-Richelieu Nicole Campbell et Bertrand Fontaine déjeunaient tranquillement hier matin au restaurant de l'Auberge Harris, à Saint-Jean-sur-Richelieu. Mais les oeufs et le bacon de leur brunch de la fête des Mères n'avaient pas aussi bon goût que d'habitude. Car comme 1000 résidants de la vallée du Richelieu, ce couple de retraités a dû évacuer sa maison inondée de Sainte-Anne-de-Sabrevois en début de semaine.

La dizaine de sinistrés rencontrés hier dans les hôtels de la région ne savent pas quand ils retourneront chez eux. «Des inspecteurs vont devoir venir avant, prévoit M. Fontaine. Ça va prendre des semaines! Les champignons vont s'installer. On va tout perdre.»

À quelques kilomètres de là, la famille Lamer, évacuée de force de sa maison de Noyan vendredi dernier, n'a pas non plus le coeur à la fête.

Ils vivent à six dans une toute petite chambre d'hôtel de l'auberge Quatre saisons, à Noyan. Les parents sont excédés.

«On est serrés. On a hâte de rentrer chez nous», souffle le père, Daniel Lamer.

Debout au milieu de sa chambre, la mère Isabelle Piette regarde ses enfants de 2, 3, 6 et 8 ans qui courent autour d'elle. Elle est épuisée. «J'ai hâte de retrouver mes affaires», dit-elle.

Mais ce retour à la maison ne se fera pas de sitôt. Car le niveau de la rivière Richelieu a diminué de quatre centimètres, hier, et les eaux devraient continuer de descendre à ce rythme jusqu'à vendredi. «Mais l'eau devra descendre de 1,10 mètre avant de revenir à un niveau normal», affirme le directeur régional de la Sécurité publique de la Montérégie, Yvan Leroux, qui ajoute que chaque municipalité décidera des modalités de retour des sinistrés.

Fêter avec du poulet

Attablée devant une boîte de poulet hier midi dans une salle de l'hôtel Gouverneur de Saint-Jean-sur-Richelieu, Madeleine Roy-Beaubien était au contraire tout sourire. La semaine a pourtant été cauchemardesque pour cette sinistrée de Saint-Paul-de-l'Île-aux-Noix, qui vient de fêter son 90e anniversaire. Mercredi, elle a fait une crise cardiaque.

«J'avais peur de l'eau. Ça n'arrêtait pas de monter. Ma rue était bloquée. J'étais bien stressée», relate la dame.

Mme Roy-Beaubien a perdu connaissance. Elle s'est fait réveiller par son chat qui lui léchait le visage et elle a pu appeler les secours. Après avoir passé trois jours à l'hôpital, elle a eu son congé. «Mais on a refusé que je retourne chez moi. Je suis venue ici», raconte-t-elle.

Dans les premières heures après son arrivée à l'hôtel, la dame ne faisait que pleurer. Puis, elle a rencontré deux de ses voisines. Les trois femmes ne se quittent plus depuis et ont beaucoup de plaisir. «On s'occupe bien de nous. Ça me remonte le moral, d'être avec des gens», dit Mme Roy-Beaubien.

À la table d'à côté, une dizaine de sinistrés évacués refusent aussi de se laisser aller à la déprime. Savourant un dîner de poulet offert par la Croix-Rouge, ils discutent en riant.

François Martel déclare que ce séjour forcé à l'hôtel lui a permis de se faire de nouveaux amis. «Je ne les connaissais pas, ces gens-là, avant!», affirme ce résidant d'Iberville en croquant à belles dents dans sa cuisse de poulet.

Assise à la même table, Marie-Jeanne Demers semble elle aussi heureuse de partager ce repas avec ses nouveaux compagnons. «Ma maison de Saint-Paul-de-l'Île-aux-Noix est inondée, explique-t-elle. J'ai pas le choix d'être ici. Mieux vaut avoir du plaisir que de pleurer.»