Deux ans après la tragédie de L'Isle-Verte où 32 personnes âgées ont péri dans l'incendie de la résidence du Havre, la proportion de résidences privées pour aînés possédant des gicleurs n'a presque pas bougé et s'établit à 47 %, révèle une compilation effectuée par La Presse. En janvier 2014, 46 % de ces établissements étaient dans la même situation.

DEUX ANS APRÈS L'ISLE-VERTE

La résidence du Havre à L'Isle-Verte ne disposait pas de gicleurs dans toutes ses chambres, notamment dans la partie du bâtiment qui a été la proie des flammes. Dans son rapport sur l'incendie publié en janvier 2015, le coroner Cyrille Delâge estimait que « l'obligation d'installer des gicleurs automatiques doit s'appliquer à tous les bâtiments certifiés, anciens et nouveaux, qu'ils soient situés en milieu rural ou urbain ».

DU CHANGEMENT

La porte-parole du ministère de la Santé Caroline Gingras explique que Québec a adopté une nouvelle réglementation, le 2 décembre dernier, qui prévoit que les résidences pour aînés existantes ont cinq ans pour se doter de gicleurs. Seules certaines petites résidences hébergeant 16 personnes ou moins pourront bénéficier d'exemptions. Plus de 1000 résidences pour aînés « pourraient avoir à entreprendre des travaux d'installation de systèmes de gicleurs pour se conformer aux nouvelles normes gouvernementales », note Mme Gingras.

Un programme de soutien financier a aussi été mis sur pied pour aider les propriétaires à financer leurs travaux. Une somme leur sera remise en fonction notamment de la taille de leur établissement.

TROP LONG

Pour le responsable du dossier de la santé à l'Association québécoise de défense des droits des personnes retraitées et préretraitées (AQDR), Jacques Fournier, les choses ne bougent pas assez rapidement. « Nous sommes très déçus d'apprendre que le taux de couverture par gicleur reste si bas. On veut une accélération. La nouvelle réglementation pour les résidences pour aînés est passée en décembre, mais on leur donne cinq ans pour s'y conformer. C'est très généreux », dit-il.

M. Fournier reconnaît que l'installation de gicleurs est coûteuse pour les propriétaires. « Mais la sécurité des aînés ne doit pas faire l'objet de compromis », soutient-il.

UNE TRÈS FAIBLE DIFFÉRENCE

2014 / 2016

Nombre de résidences pour aînés 1953 / 1860

Sans gicleurs 54 % / 53 %

Partiellement équipées de gicleurs 10 % / 11 %

UN SUJET RÉCURRENT

L'importance d'installer des gicleurs dans les résidences pour aînés est connue depuis longtemps. En 1997, Cyrille Delâge publiait un rapport à la suite de l'incendie de la Villa Sainte-Geneviève à Montréal, où sept personnes avaient perdu la vie. Le coroner demandait entre autres au gouvernement d'exiger l'installation de gicleurs automatiques dans les résidences pour aînés.

« Avec l'incendie de L'Isle-Verte et le rapport du coroner qui a suivi, on pensait que ça allait bouger plus vite. On s'indigne quand il y a des drames, mais après, ça tombe dans l'oubli », déplore le président de l'Association des retraitées et retraités de l'éducation et des autres services publics du Québec (AREQ), Pierre-Paul Côté, qui trouve « décevant » que le nombre de résidences munies de gicleurs n'ait pas augmenté depuis deux ans.

GRAND PROGRÈS

Le président du Regroupement québécois des résidences pour aînés, Yves Desjardins, reconnaît que plusieurs années se sont écoulées avant que l'installation de gicleurs ne devienne obligatoire. Or, selon lui, « la situation a évolué plus que jamais depuis décembre ». « Avec la nouvelle loi et le soutien financier, ça va débouler très rapidement », affirme-t-il.

M. Desjardins explique que peu de propriétaires ont installé des gicleurs depuis le drame de L'Isle-Verte, car tous attendaient le soutien financier de Québec.

UN SUJET À SUIVRE

Président du comité de prévention de l'Association des chefs en sécurité incendie du Québec, André St-Hilaire mentionne que la présence de gicleurs « fait la différence » dans les résidences pour aînés. « Plusieurs personnes âgées sont à mobilité réduite. Les gicleurs leur donnent plus de temps pour évacuer », dit-il. M. St-Hilaire croit que même si Québec a resserré sa réglementation, la situation doit être suivie de près. « Certains propriétaires estiment que l'aide financière de Québec n'est pas suffisante et menacent de fermer. Il faudra regarder ça de près », prévient-il.

- Avec la collaboration de Thomas de Lorimier, Mauro Valdes, Rhys Halsey-Watkins