Le propriétaire de la Résidence du Havre, Roch Bernier, rejette toute responsabilité dans l'incendie de L'Isle-Verte qui a coûté la vie à 32 personnes âgées en janvier 2014. Il conteste même des conclusions du rapport du coroner vétéran Cyrille Delâge.

Cette enquête publique n'est pas allée « en profondeur », a affirmé M. Bernier, réagissant pour la première fois au rapport Delâge, dévoilé le mois dernier. Il a commandé sa propre expertise, dont les conclusions seront dévoilées bientôt. Cette expertise privée pourrait selon lui servir à intenter des poursuites contre des entrepreneurs qui ont fait des travaux de construction et de rénovation à la résidence dans les dernières années.

Roch Bernier considère qu'il a été « trop sévèrement ciblé » dans le rapport Delâge. Il réfute plusieurs éléments du rapport qui met en cause la responsabilité de la résidence. « On est complètement en désaccord de prendre ces blâmes-là sur notre dos », a-t-il lancé.

Le coroner Delâge souligne par exemple que la résidence a « logé des personnes âgées non autonomes dans une section du bâtiment qui ne satisfait aux normes requises par les lois et règlements pour une telle utilisation ». M. Bernier réplique que quatre personnes étaient en attente d'être déplacés dans une autre section.

Le coroner Delâge indique également que le personnel n'était pas suffisant et n'était pas formé pour venir en aide aux résidents en situation d'urgence. Le préposé de nuit Bruno Bélanger n'a jamais participé aux exercices d'évacuation, par exemple. Roch Bernier réplique que les responsables de la prévention des incendies de la municipalité ne lui ont jamais signalé d'irrégularités.

Le coroner Delâge conclut que la nature de l'incendie est, « pour l'instant », accidentelle. « Nous disons « pour l'instant » parce que, tant et aussi longtemps que le point d'origine et la cause la plus probable d'un incendie ne sont pas scientifiquement ou objectivement établis, on ne peut éliminer l'incendie volontaire, bien que rien ne nous dirige vers cette éventualité au moment d'écrire ces lignes », affirme-t-il.

Il a ajouté que « bien que la destruction presque totale de la Résidence du Havre ait empêché les experts d'être plus précis, le point d'origine du sinistre se situe près de la cuisine, au rez-de-chaussée ».

Or Roch Bernier n'y croit rien. L'incendie a éclaté dans la chambre d'un résident au deuxième étage, maintient-il. Il accrédite ainsi la thèse de Bruno Bélanger.  Le coroner Delâge juge toutefois que M. Bélanger n'est pas crédible. « Le préposé de nuit s'est contredit sur plusieurs points au cours de son témoignage, et son explication des circonstances entourant le début de l'incendie est insatisfaisante et est contredite par les experts. En termes modérés, je déclare que ce témoin a un sérieux problème de crédibilité qui nous rappelle ce vieux principe toujours d'actualité selon lequel « les pauvres témoins font une pauvre justice ».

Roch Bernier croit que l'expertise qu'il a commandée à la firme Drolet, Besselle et Landreville lui donnera raison au sujet de l'origine de l'incendie. « Ça va remettre les faits à la bonne place », a-t-il dit.

Rejetant tout blâme, M. Bernier considère qu'il n'a « pas été assez renseigné sur la manière de faire » en cas d'incendie et sur la formation du personnel. Il recommande un meilleur soutien pour les propriétaires de résidences, autant de la part des gestionnaires du réseau de la santé responsable de la certification, des services de sécurité incendie des municipalités et de la Régie du bâtiment.

« Les propriétaires de résidence doivent faire confiance à un ensemble d'intervenants qui n'ont pas à répondre de leurs responsabilités dans le soutien qu'on nous fournit », a affirmé M. Bernier, rappelant que la résidence du Havre était certifiée.

Il se dit en faveur de la recommandation du rapport Delâge sur l'obligation d'installer des gicleurs dans les résidences pour personnes âgées - un nouveau règlement la mettra en oeuvre. Il n'y avait pas de gicleurs dans la section qui a été rasée par les flammes.