Au Québec, une soixantaine de résidences privées pour personnes âgées autonomes ne compte aucun employé la nuit, révèlent des données compilées par La Presse. Une situation qui ne sera plus tolérée à partir de juin. Mais il y a bien pire: une poignée de résidences hébergeant des aînés semi-autonomes n'assurent aucune présence la nuit. Une situation carrément illégale.

Selon les données du Registre des résidences privées pour aînés du Québec, 65 établissements n'engagent personne la nuit. C'est donc dire que les résidants sont laissés à eux-mêmes.

Depuis mars dernier, le ministère de la Santé oblige pourtant les résidences privées pour personnes âgées à avoir au moins un employé sur place la nuit.

Les résidences hébergeant une clientèle autonome ont toutefois pu profiter d'une «période d'ajustement» et ont jusqu'à juin prochain pour assurer la présence d'un employé la nuit. Dans le cas des établissements comptant plus de 200 chambres, c'est même deux employés qui devront dorénavant être engagés la nuit.

Des exigences minimales

Les résidences hébergeant des clients semi-autonomes ont quant à elles l'obligation, depuis mars dernier, d'avoir au moins un employé sur place la nuit.

Quatre résidences ne respectent actuellement pas ces exigences, révèle notre compilation. Une résidence pour aînés de la région de Sherbrooke comptant 153 chambres, dont 69 occupées par des personnes semi-autonomes, n'a par exemple aucun employé la nuit.

«C'est un danger total. Les personnes âgées semi-autonomes ont besoin d'être aidées et supervisées dans leur vie quotidienne, dont la nuit. Et même pour les personnes autonomes... Certaines ne savent pas quoi faire en cas d'évacuation. Il faut que les normes soient appliquées strictement», plaide le président de l'Association québécoise de défense des droits des personnes retraitées (AQDR), Louis Plamondon.

Au cours des dernières années, des coroners ont dénoncé à plusieurs reprises le fait que très peu d'employés sont présents la nuit dans les résidences privées pour aînés.

Dans un rapport publié en 2010 sur la Résidence des Boulevards (Campus Saint-Joseph), à Montréal, la coroner Catherine Rudel-Tessier notait que 5 employés veillaient sur les 136 résidants durant la nuit. Un ratio qu'elle jugeait insuffisant.

En 2004, le coroner Luc Malouin déplorait aussi le fait qu'un seul employé s'occupait de 13 résidants en perte d'autonomie à la résidence Second Bonheur de Saint-Gabriel-de-Brandon. Seulement dix des treize résidants avaient pu être évacués à temps lors d'un incendie qui avait ravagé la bâtisse.

Le ministre de la Santé, Réjean Hébert, a rappelé vendredi que les normes sur les ratios employé-résidants ont été resserrées en mars dernier par son gouvernement.

«Est-ce suffisant? Comme je le disais, c'est un premier pas. Et c'est un premier pas important. Avant, on n'avait même pas ça! [...] Il faut aussi réaliser que ce sont des coûts pour les petits établissements qui sont importants. Mais avec ce nombre-là, on est capables de sortir les résidants en moins de huit minutes, ce qui répond aux normes», a-t-il déclaré.

- Avec la collaboration de Thomas de Lorimier et Sylvain Gilbert