Malgré le front commun de l'opposition, à Ottawa, et une plainte officielle de deux provinces, qui réclament que le premier ministre canadien revienne sur sa décision de retirer le caractère obligatoire du formulaire détaillé de recensement, le gouvernement conservateur ne reculera pas.

Si l'Ontario et le Québec ont tous deux envoyé une lettre au ministre fédéral de l'Industrie, Tony Clement, pour le sommer d'abandonner l'idée de rendre volontaire le formulaire long de recensement, le principal intéressé n'a pas semblé s'en formaliser.

À sa sortie de la réunion hebdomadaire de son caucus, mercredi matin, le ministre Clement a argué que la position de ces provinces quant à la décision d'Ottawa - annoncée discrètement fin juin - était déjà connue. Les pressions de Toronto et Québec resteront donc probablement lettre morte, a-t-il laissé comprendre.

«C'est leur position depuis le tout début. Et même si je respecte leur position, j'ai la responsabilité de m'assurer que nous avons un meilleur équilibre dans notre politique publique sur cette question», a rétorqué M. Clement, en réitérant que le gouvernement conservateur voulait permettre la collecte de données statistiques sans brimer la vie privée des Canadiens.

Les conservateurs arguent depuis le début de ce débat que les questions du formulaire détaillé de recensement sont trop intrusives.

Outre la nouvelle offensive de ces gouvernements provinciaux, le premier ministre Stephen Harper doit également faire face aux critiques de l'opposition à Ottawa. Et celle-ci s'apprête à adopter une motion, mercredi après-midi, le sommant à son tour de faire marche arrière et de rétablir le caractère obligatoire du questionnaire long dès maintenant, avant qu'il ne soit trop tard.

Mais là aussi, le ministre Clement a déjà indiqué, lundi, que son gouvernement ne se plierait pas à cette requête. Car la motion présentée par les libéraux n'est pas contraignante.

«Voici un gouvernement qui ne comprend pas la différence entre l'entêtement aveugle et idéologique, et le leadership. Le leadership, c'est dans ce cas-ci de se lever et de dire «on s'est trompé»', a plaidé le chef libéral Michael Ignatieff à la sortie de son propre caucus.

Car «quiconque connaît quoi que ce soit aux statistiques sait que le gouvernement a fait une erreur», a-t-il argué, en rappelant que plusieurs experts avaient fait valoir qu'un formulaire volontaire n'obtiendrait pas la même qualité de données statistiques.

Le gouvernement conservateur de Stephen Harper est attaqué de toutes parts depuis qu'il a annoncé son intention d'abolir le formulaire détaillé obligatoire et d'y substituer un questionnaire volontaire.

La lettre de Québec et Toronto, datée du 27 septembre et dont La Presse Canadienne a obtenu copie, affirme avec fermeté que cette décision nuira au soutien provincial à l'éducation, à l'innovation et au développement économique.

Les deux provinces ajoutent que l'absence de données du long formulaire se traduira par des entraves additionnelles à la mobilité de la main-d'oeuvre et à l'analyse du marché de l'emploi par les instances publiques.

La lettre est signée par le ministre ontarien responsable de la Formation, John Milloy, et les ministres québécoises de l'Éducation, Line Beauchamp, et de l'Emploi, Julie Boulet.

Plusieurs provinces ont manifesté leur déplaisir face à l'abandon du formulaire détaillé, mais la lettre formelle de protestation du Québec et de l'Ontario représente une escalade de l'opposition.

L'abolition du formulaire détaillé fait par ailleurs l'objet d'une poursuite, déposée par la Fédération des communautés francophones et acadienne en Cour fédérale, qui invoque une violation de la Loi sur les langues officielles.