Après avoir perdu la première manche d'une bataille judiciaire en Cour fédérale hier matin, le ministre de l'Industrie, Tony Clement, a reculé pour la première fois dans le dossier du recensement, en après-midi: il a annoncé qu'il réintégrerait deux questions sur la langue dans le formulaire obligatoire.

Dans un communiqué de presse diffusé en fin de journée, le ministre Clement a aussi indiqué son intention de présenter un projet de loi dès la reprise des travaux parlementaires. Ce projet proposerait de ne plus menacer de prison ceux qui refusent de répondre aux questions du recensement. Il maintiendrait toutefois la possibilité de les condamner à des amendes.

En entrevue à La Presse, Tony Clement a par ailleurs répondu aux partis de l'opposition, qui l'accusent depuis deux jours d'avoir induit la population en erreur lorsqu'il a laissé croire que Statistique Canada appuyait la décision du gouvernement d'abolir le caractère obligatoire du formulaire détaillé.

Des documents rendus publics mardi montrent en effet que Statistique Canada a averti le bureau du ministre que, au mieux, un questionnaire facultatif pourrait attirer un taux de réponse de 70%. On peut aussi voir que, dans le discours qu'il s'apprêtait à prononcer devant des employés avant de démissionner, le statisticien en chef de Statistique Canada, Munir Sheikh, voulait remettre en question la fiabilité d'une telle façon de procéder.

«J'ai dit de manière constante que nous avions demandé à Statistique Canada des options sur la manière de mettre en oeuvre la décision du gouvernement. Ils nous ont donné des options. Nous avons choisi l'une des options qu'ils nous ont données», s'est défendu Tony Clement.

Quant aux raisons qui l'ont poussé à apporter les changements annoncés hier, il a dit: «Statistique Canada nous a donné de nouveaux avis selon lesquels il y avait lieu de se demander si le nouveau formulaire long serait le mécanisme approprié puisque la Loi sur les langues officielles parle expressément de recensement, et non pas d'une enquête volontaire.»

Mais la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada, qui poursuit le gouvernement, justement, au sujet de ces questions linguistiques, pourrait bien ne pas saisir cette branche d'olivier. La FCFA demande à la Cour fédérale de forcer Ottawa à rétablir le questionnaire détaillé initial, qui posait cinq questions sur la langue.

Dans la nouvelle formule de recensement rendue publique par le gouvernement à la fin du mois de juin, le questionnaire abrégé (qui demeurerait obligatoire) ne pose qu'une seule question, sur la langue maternelle du répondant. Hier, le ministre a annoncé qu'il y intégrerait deux questions supplémentaires: une sur la capacité de soutenir une conversation dans l'une des deux langues officielles et l'autre, sur les langues parlées à la maison.

Deux des cinq questions linguistiques posées en 2006 resteraient donc facultatives: l'une porte sur les langues parlées au travail et l'autre, sur la capacité de soutenir une conversation dans une langue autre que le français ou l'anglais.

«Ce qu'on demande est clair: on veut toutes les questions linguistiques», a tranché la présidente de la FCFA, Marie-France Kenney, qui est toutefois demeurée prudente puisqu'elle n'avait pas toujours pris connaissance de l'annonce du ministre.

La Fédération a remporté une victoire judiciaire importante, hier: la Cour fédérale a accepté d'accélérer le processus dans son dossier. «Un processus accéléré ne causerait pas préjudice à la défenderesse», a reconnu la Cour, qui a fixé l'audience aux 27 et 28 septembre prochains.