L'audit externe que commandera le gouvernement péquiste pour examiner les extras dans les contrats publics ne rassure pas la Coalition avenir Québec (CAQ). «Je ne suis pas contre, mais on ne s'attaque pas à la racine du problème: le manque d'expertise. On pellette ce problème en avant», déplore le député Éric Caire.

La Presse a révélé vendredi que le ministre des Transports, Sylvain Gaudreault, demandera à une firme privée de passer au peigne fin les coûts additionnels des chantiers de son ministère ainsi que de ceux de la Société immobilière du Québec, du Centre de services partagés du Québec et d'Infrastructure Québec, afin de détecter de possibles irrégularités et de mieux circonscrire les coûts futurs des chantiers.

Le rapport Duchesneau de l'Unité anticollusion a exposé que le ministère des Transports est vulnérable à cause de son manque d'expertise. Il n'est pas outillé pour étudier les demandes de frais additionnels et rejeter celles qui ne sont pas justifiées, explique le caquiste.

Le ministre Gaudreault explique que le manque d'expertise est un problème complexe qui ne se réglera pas en claquant des doigts, et que l'audit externe est une première étape pour régler la situation.

Il faut non seulement plus d'ingénieurs, mais aussi attirer les meilleurs, dit-il. Il rappelle que, l'automne dernier, une commission parlementaire de l'Assemblée nationale a estimé que le ministère des Transports (MTQ) a besoin d'environ 1000 nouveaux ingénieurs et techniciens en travaux publics. «Les techniciens sont un peu comme les infirmières dans le réseau de la santé: on en parle moins, mais leur rôle est très important», dit M. Caire.

Il propose aussi d'augmenter le salaire du personnel spécialisé pour que les meilleurs n'aillent pas tous au privé. «Du point de vue des salaires, le MTQ est le pire employeur pour les ingénieurs au Québec. Il est moins intéressant que le privé, le parapublic comme Hydro-Québec ou les municipalités. Le ministre a annoncé des primes, mais elles ne sont que de 4% et elles prennent fin en 2015. C'est nettement insuffisant quand on sait qu'au MTQ un ingénieur de niveau 3, le plus élevé, gagne 22% de moins qu'au privé.»

Le ministre Gaudreault a lancé l'automne dernier une campagne de recrutement appuyée d'un site web. «Mais pour 2700 invitations envoyées aux ingénieurs, seulement 450 personnes ont répondu à l'appel», lance-t-il.

M. Gaudreault s'est montré mécontent du fait que, même après sa nomination, son Ministère a continué d'accorder des extras, dont certains pourraient être injustifiés. Il reconnaît que le Ministère n'est pas assez outillé pour examiner les demandes. Dans ce contexte, il est difficile de freiner un chantier ou de risquer un affrontement juridique avec un entrepreneur. Il a donc décidé d'examiner l'ensemble des cas.

«Si des extras sont injustifiés, il y a deux possibilités: des employés ont été malhonnêtes ou incompétents. Le ministre doit sanctionner ceux qui doivent l'être. Sinon, ça voudra dire qu'il les cautionne», dit M. Caire.

M. Gaudreault, veut transformer le MTQ en agence des transports. Cette agence servira selon lui de tampon entre le politique et la réalisation des travaux. L'agence prendra en charge les travaux, de l'appel d'offres à la coupe du ruban. Le MTQ demeurera en place pour proposer les grandes orientations, les lois et les règlements. L'embauche à l'agence ne sera pas assujettie aux règles générales de la fonction publique, ce qui donnerait plus de latitude pour le recrutement. Différents scénarios sont à l'étude. Le projet de loi doit être déposé cette année, si possible avant l'été, espère M. Gaudreault.

Selon M. Caire, c'est «de la poudre aux yeux». «Au contraire, l'agence favorisera le favoritisme. Une agence n'a pas les mêmes obligations de transparence qu'un ministre. On l'a vu avec l'Agence métropolitaine des transports (AMT). On n'a pas réussi à connaître le salaire du deuxième directeur général, Paul Côté, embauché afin de compenser la nomination partisane du péquiste Nicolas Girard, qui n'était pas assez compétent pour faire son boulot.»