Adoptées il y a deux ans et vantées par l'administration Tremblay comme «les plus sévères au Québec», les règles anticollusion de la Ville de Montréal ont enfin permis une première prise.

C'est une firme de construction de Laval, Groupe Promécanic, qui a eu le douteux honneur d'ouvrir le bal. Fin mars, elle a perdu un contrat de 123 986$ qu'elle avait décroché un mois auparavant, pour le remplacement du système de refroidissement de la pépinière municipale.

Surtout, elle se retrouve bannie des appels d'offres de Montréal pour une période de cinq ans, en vertu de la Politique de gestion contractuelle de la Ville de Montréal adoptée en 2010. Selon l'article 2.2 de cette politique, une entreprise qui a été déclarée coupable dans les cinq dernières années de collusion, de manoeuvres frauduleuses ou d'«autres actes de même nature» ne peut participer à un appel d'offres sur le territoire montréalais. Si elle le fait, elle se retrouve automatiquement écartée pour les cinq prochaines années.

À la Ville de Montréal, on confirme qu'il s'agit de la première «intervention» basée sur l'article 2.2.

«Cupidité» et «malhonnêteté»

Le Groupe Promécanic était une cible de choix pour inaugurer cette clause. En juillet 2011, Les Entreprises Promécanic, une firme liée, a plaidé coupable en Cour supérieure à trois chefs d'accusation de truquage d'appels d'offres. C'est le Bureau de la concurrence qui avait sonné la charge, six mois plus tôt: il avait accusé l'entreprise lavalloise d'avoir comploté pour déterminer les gagnants dans trois contrats touchant le système de ventilation des tours d'habitation Faubourg Saint-Laurent II, Tour Saint-Antoine et Roc fleuri.

Les Entreprises Promécanic ont été condamnées à une amende de 425 000$ pour leur participation à ce stratagème.

Le 14 mars dernier, dans une décision très dure à l'égard des dirigeants de la firme, la Régie du bâtiment du Québec a annulé sa licence. Le régisseur, Robert Généreux, a estimé qu'elle avait «fait preuve de cupidité» et «oeuvré malhonnêtement pour son profit personnel». Il avait souligné «l'extrême gravité» des gestes des dirigeants, des gestes qui doivent être «reconnus comme ayant été malhonnêtes, collusoires et ayant pour but de tromper le public».

Lors d'une entrevue avec une enquêteuse de la Régie, le vice-président de l'entreprise, Stéphane Breault, s'est défendu ainsi: «On est des gens honnêtes, on est compétents, on a un bon carnet de commandes, des bons employés, on est respectueux de toutes les lois. De plaider coupables, ç'a été une décision d'affaires, ça n'a pas été facile, car on sait qu'on n'est pas coupable.»

Les demandes d'entrevue de La Presse auprès de la firme lavalloise sont restées sans réponse.

À la fin du mois de mars, la Ville de Montréal a pris bonne note de la non-conformité de la firme, qui venait de remporter un appel d'offres auquel avaient participé deux entreprises. Le contrat touchait le remplacement du système mécanique de refroidissement au gaz de l'entrepôt de la pépinière municipale, installé à L'Assomption depuis 1999. Cette pépinière fournit de 3000 à 5000 arbres chaque année aux arrondissements montréalais. C'est le deuxième soumissionnaire, Climatisation Morrisson, qui a hérité du contrat. Les travaux devraient durer de juin à août prochain.