Le gouvernement Charest cherche toujours quelle serait la bonne formule pour faire le ménage dans l'industrie de la construction, sans nuire aux enquêtes policières.

Depuis Paris, jeudi, le premier ministre Jean Charest a dit qu'il examinait «tous les choix» qui s'offraient à lui quant au type d'enquête à privilégier, mais il n'en a toujours fait aucun.

«Le gouvernement va réfléchir et faire des choix, a dit M. Charest. De là à présumer que le gouvernement a fait un choix, non! Est-ce qu'on a envoyé le signal qu'on allait dans le sens d'une commission d'enquête? Non, on n'a pas envoyé ce signal-là. On réfléchit sur les options qui se présentent à nous, point à la ligne.»

De son côté, à Québec, l'opposition péquiste a pris les devants, en y allant d'une proposition concrète afin de dénouer l'impasse.

Le gouvernement devrait, selon elle, confier un mandat au Vérificateur général: trouver la personne ayant de solides connaissances du monde judiciaire pour présider une commission d'enquête.

«Demandons au Vérificateur général de trouver quelqu'un avec les connaissances juridiques nécessaires pour assurer la protection des témoins et les règles de justice naturelle, les règles de base, donc de protection des enquêtes», a suggéré jeudi le leader parlementaire de l'opposition péquiste, Stéphane Bédard, en point de presse.

Sur le fond, l'opposition péquiste fait preuve de méfiance envers le gouvernement, qui pourrait être tenté de mettre sur pied une commission procédant essentiellement à huis clos, en vue de protéger les témoins et les enquêtes policières en cours.

Sur ce point, le PQ demeurera intraitable et réclamera une commission publique et indépendante.

«Il n'y aura pas de demi-enquête, comme il n'y aura pas d'enquête privée», a plaidé M. Bédard, qui juge que «si la population a l'impression que le gouvernement manipule cette commission, ce serait la pire des choses».

Dans une phrase sibylline, le premier ministre Charest a bien pris soin de garder toutes les portes ouvertes.

«Le gouvernement va prendre le temps de mesurer chaque choix, mais le simple fait que dans ces derniers jours on ait une meilleure idée, tout le monde, des conséquences qu'une enquête publique ou privée a sur des enquêtes policières, ça devrait nous aider à mieux comprendre le sens de chaque chose», a dit M. Charest à l'issue d'un entretien jeudi matin au Quai d'Orsay avec le ministre français des Affaires étrangères, Alain Juppé.

Dans l'entourage du premier ministre, on ne voit aucune inflexion dans le discours gouvernemental dans ce dossier, bien au contraire.

Le premier ministre a répété les trois critères qui guideront sa décision: protéger la preuve des enquêtes policières, protéger la capacité de déposer des plaintes et protéger les victimes, critères qui apparaissent incompatibles avec la transparence d'une enquête publique.

Vraisemblablement, M. Charest a cela à l'esprit lorsqu'il parle de «pédagogie», évoquant ainsi les déclarations du commissaire de l'Unité permanente anticorruption (UPAC), Robert Lafrenière, pour qui une enquête publique minerait le travail des enquêteurs de la police.

«Dans ces derniers jours, je pense qu'il y a des signaux encourageants sur la pédagogie faite au Québec sur la question des commissions d'enquête. S'il y a une chose que je retiens, c'est qu'on commence à mieux mesurer les choix qui se présentent à nous et les conséquences derrière ces choix», a estimé le premier ministre.

Cela ne veut pas dire que le gouvernement ait fait son lit, mais M. Charest a appelé les médias à la prudence face aux informations qui partent «dans différentes directions». Néanmoins, il assure vouloir «prendre les mesures nécessaires pour arriver au bout de ce problème».

La méfiance envers le gouvernement observable dans les rangs péquistes vaut aussi pour Québec solidaire. Car le gouvernement est en conflit d'intérêts dans ce dossier, selon le député de Mercier, Amir Khadir.

En point de presse, il a fait valoir que le mécanisme choisi devra être «imperméable à un contrôle direct du gouvernement».

Il réclame donc que l'Assemblée nationale et les partis d'opposition «aient leur mot à dire» sur le mandat et la composition de la future commission d'enquête, qui devra «mettre fin à l'impunité politique».

Dans ce climat tendu, la rencontre promise entre le commissaire de l'UPAC, Robert Lafrenière, et le chef de l'Unité anticollusion, Jacques Duchesneau, a eu lieu mardi.

La rencontre devait permettre de faire le point sur l'avenir de M. Duchesneau au sein de l'UPAC, à la suite des déclarations peu flatteuses de ce dernier envers son employeur.

Au cours de la rencontre, M. Duchesneau a demandé et obtenu deux semaines de vacances. À son retour, il a été convenu que les deux hommes allaient se rencontrer à nouveau pour préciser la suite des choses. Normalement, le mandat de M. Duchesneau ne se termine qu'en mars prochain.

M. Duchesneau a placé M. Lafrenière dans l'embarras, en jugeant que l'UPAC, ce n'était «pas fort», et qu'une telle organisation devrait être dirigée par un juge, plutôt qu'un ancien policier.

À Paris, M. Charest a dit ne pas avoir été avisé de la décision de M. Duchesneau de prendre des vacances. «C'est une info que vous avez, pas nous, a dit le premier ministre aux journalistes. Personne ne m'a dit que M. Duchesneau quittait. (...) Je souhaite qu'il reste et qu'il travaille à la mise en oeuvre de son rapport.»