Les trois partis de l'opposition se sont dits outrés vendredi d'apprendre que Jean Charest n'avait pas lu le rapport de l'Unité anticollusion (UAC), mais c'est Pauline Marois qui est allée le plus loin: elle accuse le premier ministre de protéger la mafia et réclame son départ «le plus tôt possible».

Mme Marois s'est dite «dégoûtée» de ce que le premier ministre refuse d'ouvrir une enquête publique sans même avoir lu le rapport d'une équipe qu'il a lui-même mise en place.

L'Unité anticollusion a découvert une industrie massivement infiltrée par le crime organisé, où les entreprises s'entendent entre elles pour gonfler les coûts des contrats publics, parfois avec la complicité de fonctionnaires, tout en finançant les partis politiques afin d'accroître leur influence.

«Jean Charest cherche manifestement à protéger des intérêts», a-t-elle déclaré. «Il protège le Parti libéral et, en protégeant le Parti libéral, M. Charest protège la mafia. Il protège le crime organisé», dit Mme Marois, qui estime que la situation est «très grave»: «On constate que la corruption s'est installée au coeur de l'État. Le crime organisé, la mafia, a littéralement infiltré le gouvernement, nos institutions!»

Même si elle a peu d'espoir de le voir déclencher des élections, la chef péquiste a répété deux fois qu'elle souhaite voir le premier ministre quitter ses fonctions. «Il doit partir. Le départ de Jean Charest est devenu la première condition à l'assainissement de l'air ambiant», a-t-elle insisté.

«Si nous étions aux États-Unis, j'aurais la possibilité de déposer une procédure d'impeachment contre le premier ministre. Et je suis convaincue qu'il devrait quitter sa fonction d'ici à quelques semaines», a-t-elle poursuivi.

Démission, élection ou commission

Québec solidaire a abondé dans le même sens. «Nous continuons de dire à M. Charest: c'est une commission d'enquête, ou alors votre démission ou, mieux encore, des élections générales, a déclaré Françoise David. Nous appelons à la mobilisation de la population du Québec de toutes les façons possibles. C'est au tour du peuple de se manifester et de dire non à ce qui se passe.»

Son collègue le député Amir Khadir s'est dit estomaqué que Jean Charest n'ait pas lu le rapport de M.Duchesneau: «Un chef d'État avec un rapport aussi sensible qui concerne le coeur même de la fonction de l'État et qui ne l'a même pas lu deux semaines après, c'est en dessous de toute attente», a-t-il dit.

De son côté, le chef de l'ADQ, Gérard Deltell, n'exige pas la démission de M.Charest ni des élections. Il demande plutôt aux députés libéraux de faire pression sur leur chef pour le convaincre de mettre sur pied une commission d'enquête.

Même si les enquêtes policières permettaient d'accuser des individus, le système de corruption et de collusion resterait en place. D'où la nécessité d'une enquête publique, argue M.Deltell. «C'est bien beau de mettre les bandits en prison, mais ça ne s'attaque pas à la racine du problème. Seule une enquête publique va le faire.»

M.Deltell pense que plusieurs députés libéraux sont eux-mêmes embarrassés par le contenu du rapport Duchesneau. «Pensez-vous que ces gens-là sont heureux de voir ça?», demande-t-il, en se désolant lui aussi que M. Charest n'ait pas lu le rapport qui fait les manchettes depuis mercredi.

Dans son rapport, l'UAC explique que le ministère des Transports, vidé de ses ressources, manque de personnel qualifié pour surveiller les chantiers. L'ADQ, qui prône une réduction de la taille de l'État, reconnaît que le ministère des Transports manque de ressources pour superviser les chantiers, mais soutient qu'on pourrait diminuer la taille du Ministère tout en améliorant sa surveillance des chantiers. «Il y a certainement du ménage à faire au ministère des Transports sans enlever l'expertise», a affirmé la députée Sylvie Roy.

- Avec la collaboration de Paul Journet et Charles Côté