«Entre 10 et 13 dossiers» plus documentés que les autres auraient été transmis directement à l'Unité permanente anticorruption (UPAC) par le groupe d'enquête dirigé par l'ex-policier Jacques Duchesneau, a reconnu le ministre des Transports du Québec, Pierre Moreau, lors d'un point de presse fort couru, hier, à Montréal.

Appelé à commenter la fuite du rapport Duchesneau, dont La Presse et Radio-Canada ont diffusé les grandes lignes, hier, le ministre Moreau a affirmé que «ce rapport ne sera pas rendu public» parce que sa divulgation pourrait nuire aux enquêtes policières en cours sur la corruption et la collusion au sein du ministère des Transports du Québec (MTQ).

M. Moreau a par ailleurs assuré, hier, qu'il était «profondément convaincu que la majorité des hommes et des femmes à l'emploi du MTQ sont d'une probité exemplaire», même si les graves allégations contenues dans ce rapport font très mal paraître son ministère.

Cela dit, le ministre, qui est en poste depuis seulement une semaine, n'a pas tenté de nier les allégations rendues publiques hier par La Presse et Radio-Canada, et tirées du rapport piloté depuis 18 mois par l'ancien chef de police de Montréal.

Le rapport Duchesneau a été produit par l'Unité anticollusion du ministère des Transports du Québec, créée en février 2010, à une époque où le gouvernement Charest faisait l'objet de pressions provenant de tous les milieux pour qu'il déclenche une commission d'enquête publique sur la collusion et la corruption dans l'attribution de contrats gouvernementaux.

Dans son rapport, l'unité de M. Duchesneau soutient que les malversations de fonds publics de tous genres ont pris une telle ampleur dans l'industrie de la construction que le Québec risque «une prise de contrôle de certaines fonctions de l'État» par des groupes criminels et des acteurs mal intentionnés, infiltrés dans la fonction publique, dans les entreprises de construction et dans les sociétés d'ingénierie qui supervisent la réalisation des grands travaux routiers, partout au Québec.

Fonctionnaires complices

Des firmes de construction auraient bénéficié d'informations privilégiées de la part de fonctionnaires du MTQ, pour préparer des soumissions lors d'appels d'offres publics. Des groupes criminels, comme la mafia et les motards, de même que des regroupements d'entrepreneurs généraux «fonctionnant comme des cartels» feraient aussi en sorte d'éliminer la concurrence et d'organiser la collusion entre les firmes de construction. Des entreprises recevraient aussi du MTQ des sommes additionnelles versées en avenant sur certains contrats, pour des raisons douteuses. Une partie des sommes illégitimes serait de plus détournée vers les caisses occultes de partis politiques qui ne sont toutefois pas clairement identifiés par le rapport Duchesneau.

Ces allégations surviennent à un moment où le MTQ a déjà très mauvaise presse en raison de l'état déplorable des infrastructures routières dans la région métropolitaine. Elles arrivent aussi peu après l'effondrement de structures de béton de plusieurs dizaines de tonnes survenu en août dernier sur l'autoroute Ville-Marie, en plein centre-ville de Montréal.

Peu après son point de presse, hier matin, le ministre Moreau s'est adressé à un parterre de gens d'affaires, à l'invitation du Conseil du patronat du Québec, dans le cadre d'un colloque sur l'état des infrastructures routières dans la métropole. M. Moreau a défendu le travail réalisé par les 6000 fonctionnaires du MTQ: «En faisant preuve de transparence, nous serons à même de redonner à ce ministère la crédibilité qu'il mérite et qui se montrera à la hauteur de la compétence des gens qui y travaillent.»