La Régie du bâtiment du Québec (RBQ) a convoqué les représentants de la firme Constructions Louisbourg ltée, propriété de Tony Accurso, à ses bureaux de Montréal le 14 juin, une étape qui pourrait mener à la révocation ou à la suspension de sa licence.

La firme pourra être représentée par un avocat, a indiqué un porte-parole de la Régie, Sylvain Lamothe. La présence de M. Accurso ne sera pas requise. Les audiences seront publiques.

En décembre dernier, Constructions Louisbourg ltée et une autre entreprise de M. Accurso, Simard-Beaudry construction, ont plaidé coupable à l'accusation d'avoir fraudé Revenu Canada de 4,13 millions de dollars.

La loi 73, adoptée à l'Assemblée nationale en 2009, a donné plus de pouvoirs à la Régie du bâtiment pour révoquer ou suspendre des permis d'entreprises qui ont commis une fraude fiscale, ou dont les propriétaires ont commis un crime.

Toutefois, dans le cas d'une fraude fiscale, la RBQ doit faire la preuve qu'elle était reliée à des activités dans la construction.

Les enquêteurs de la Régie ont terminé leur enquête sur Constructions Louisbourg ltée. Ils ont remis leur dossier aux avocats de la Régie pour une analyse juridique. Ces derniers en ont à leur tour saisi le régisseur. Quant à l'enquête sur Simard-Beaudry, elle n'est pas terminée.

La révocation éventuelle de la licence de Constructions Louisbourg ltée n'aura aucun impact sur les autres entreprises détenues en tout ou en partie par M. Accurso.

Le numéro de licence de Constructions Louisbourg ltée est le 1152-4980-89. Mais la majorité des entreprises de construction de M. Accurso, elles aussi situées sur la voie de desserte de l'Autoroute des Laurentides à Laval, ont un autre numéro de licence.

Pas moins de 14 entreprises ont le numéro de la RBQ 5582-4288-01. Plusieurs d'entre elles sont des divisions de Louisbourg SBC, société en commandite.

L'été dernier, c'est Louisbourg SBC, société en commandite, qui a obtenu deux contrats d'Hydro-Québec d'une valeur de 136 millions de dollars pour la construction du barrage sur La Romaine, rivière de la Côte-Nord. Ces contrats ne seraient pas mis en péril par une révocation de la licence de Constructions Louisbourg ltée.

Les audiences du 14 juin se dérouleront dans les bureaux montréalais de la Régie, installés dans l'édifice du Fonds de solidarité de la FTQ... un immeuble qui a été construit il y a plusieurs années par une autre entreprise de M. Accurso, Construction Marton.

La preuve de Revenu Canada

Malgré les modifications apportées à la loi 73, le champ d'action de la Régie du bâtiment est restreint. Les avocats de la Régie n'ont pas eu accès à la preuve de fraude fiscale établie par Revenu Canada.

Après que Constructions Louisbourg ltée et Simard-Beaudry construction eurent plaidé coupable, Revenu Québec a obtenu une ordonnance obligeant Revenu Canada à lui remettre sa preuve, et souhaitait la remettre à son tour à la Régie du bâtiment. Les avocats de Tony Accurso se sont adressés à la Cour pour casser cette ordonnance. La cause suit son cours.

Selon un reportage de Radio-Canada, Revenu Québec cherche à impliquer personnellement Tony Accurso dans la fraude fiscale, et pas seulement deux de ses entreprises. Dans un tel cas, ce sont toutes ses entreprises qui perdraient leurs licences.

Parmi les déductions auxquelles Constructions Louisbourg ltée et Simard-Beaudry construction n'avaient pas droit figurent des dépenses engagées pour le fameux bateau de Tony Accurso, le Touch, à bord duquel des politiciens, des syndicalistes et des hommes d'affaires ont séjourné.

Simard-Beaudry construction était une des entreprises participant à un consortium qui, en 2009, avait emporté le plus gros contrat jamais accordé par la Ville de Montréal, celui des compteurs d'eau, d'une valeur de 355 millions de dollars.

La Presse avait révélé que le président du comité exécutif de la Ville, Frank Zampino, avait séjourné deux fois sur le yacht le Touch en 2007 et en 2008. L'affaire a fait scandale et le contrat a été annulé. Il fait l'objet d'une enquête par la Sûreté du Québec.

Depuis 1990, les entreprises de M. Accurso ont obtenu pour environ 1 milliard de dollars de contrats publics au Québec, ce qui fait de M. Accurso l'un des acteurs les plus importants, sinon le plus important de l'industrie. Ses entreprises sont aussi très présentes dans le secteur privé.