Le gouvernement Charest planche sur une nouvelle mesure pour lutter contre la corruption dans l'industrie de la construction. La mise sur pied d'une «escouade permanente» pourrait être annoncée l'an prochain, dans le message inaugural.



Clairement désireux de parler d'autre chose que de la défaite de son parti dans l'élection complémentaire de Kamouraska-Témiscouata après 25ans d'un règne libéral sans partage, M.Charest a évoqué mardi un nouveau geste qui s'ajouterait à l'enquête policière en cours.

«Les gens sont préoccupés par les allégations de collusion et de corruption. Il y a un mécontentement général; il y a une partie du message qui m'est destinée et je l'accepte», a-t-il laissé tomber en allusion aux résultats de lundi.

Dans un point de presse en marge de la réunion de ses députés, M.Charest a souligné que Québec s'intéresse à la façon dont l'État de NewYork a abordé le problème de la corruption: on a mis en place une commission pour contrer le crime organisé, avec un volet particulier sur la corruption. Il y a aussi un superprocureur pour ces dossiers, mais le ministre de la Justice, Jean-Marc Fournier, a déjà repoussé cette avenue la semaine dernière.

Selon M.Charest, ni une commission d'enquête ni une escouade strictement policière n'ont d'effet permanent: «Le problème revient. On l'a vécu dans le passé et il revient, il faut penser à des solutions pour agir efficacement. On doit envisager des solutions qui vont nous éviter un cycle où on fait des campagnes pour combattre le crime pour le voir réapparaître», a-t-il soutenu à l'Assemblée nationale.

Dans l'État de NewYork, on a mis sur pied une unité intégrée où tout le monde, fonctionnaires, policiers et procureurs, travaille ensemble. «NewYork, c'est un modèle, mais on ne peut pas juste transporter ce qui se fait ailleurs, ce n'est pas les mêmes compétences, mais c'est un modèle qui nous intéresse», a souligné mardi M.Charest aux journalistes. Clairement, il n'a pas l'intention de dévoiler ses intentions dans les prochains jours. Comme l'Assemblée ajournera ses travaux le 10décembre, il faudra attendre l'an prochain. «Je veux le faire comme il faut. Il ne faut pas agir sur le coup», a-t-il soutenu.

Avec l'enquête policière ainsi que les projets de loi sur l'éthique, les municipalités et le financement des partis politiques, adoptés avant Noël, M.Charest dit avoir «la conviction profonde» d'avoir choisi «les bonnes voies pour régler le problème» de la corruption dans l'industrie de la construction. Mais il reconnaît qu'il faut «faire davantage» et promet désormais des «gestes supplémentaires».

À l'Assemblée nationale, Pauline Marois était galvanisée par les résultats de la veille. «Deux électeurs sur trois ont voté contre le gouvernement», a martelé la chef péquiste. Elle a invité les ministres et députés libéraux à appuyer une enquête sur l'industrie de la construction.

«La population québécoise en a ras le bol, elle s'est exprimée mardi. Aujourd'hui, le Conseil du patronat se prononce en faveur d'une enquête publique», a-t-elle souligné. Joint à Ottawa, Yves-Thomas Dorval, président du CPQ, a confirmé que son organisation estime désormais que la commission d'enquête publique est devenue incontournable. Toute la controverse a déjà nui à l'image internationale du Québec, et des entrepreneurs qui n'ont rien à se reprocher sont déjà éclaboussés par la mauvaise réputation de leur secteur, a-t-il expliqué.

L'annonce de M. Charest n'a pas réjoui l'Association des policières et policiers provinciaux du Québec, où on apprenait mardi aussi la création de cette «escouade permanente». «Il y a déjà des escouades en place, et au lieu de les consolider, on pense à créer une nouvelle escouade? Est-ce que ce sera un corps de police? Appartiendra-t-elle à un ministère?» s'interroge le président de l'Association, Jean-Guy Dagenais. «Ça sent un peu l'improvisation», regrette-t-il.