Des accusations criminelles seront déposées avant les Fêtes, conséquence du travail des policiers dans le cadre de l'escouade Marteau, prédit le directeur des poursuites, Me Louis Dionne, dans une entrevue à La Presse.

Pour le patron des procureurs de la Couronne, le seul qui puisse donner le feu vert à des poursuites dans ces dossiers complexes et délicats, l'effervescence actuelle autour des dossiers touchant la corruption et la collusion dans l'industrie de la construction nuit à la bonne marche des procédures.

«On me dit que dans certains dossiers, des accusations sont probablement imminentes. D'ici aux Fêtes, on devrait être fixé», a expliqué Me Dionne. Il refuse de prédire combien de dossiers seront prêts.

Trop de pressions

Mais une chose est claire: il est exaspéré de la pression que lui met la police qui laisse entendre partout que son bureau est un goulot d'étranglement d'où les dossiers sortent au compte-gouttes. Des sources policières indiquent que certains dossiers ont été transmis «depuis des mois» et sont toujours en attente d'une décision. Il y a deux semaines, le patron de Marteau, Denis Morin, a ajouté un tour de vis et augmenté la pression en annonçant lui-même que des recours judiciaires étaient imminents.

«Il y a beaucoup d'effervescence. Il y a du transfert de pression et certains membres de la police qui veulent s'enlever de la pression. Mais ce n'est pas comme ça qu'ils vont impressionner les procureurs qui analysent les dossiers», a lancé Me Dionne, ancien patron à la Sûreté du Québec.

Martelé de questions chaque jour à l'Assemblée nationale, le «politique» aussi exerce de la pression sur la police, convient-il facilement. «C'est comme une chaîne de montage. On a le culte de la «petite vite» en enquête. Or, cela ne fait pas bon ménage avec ce genre de dossiers, il faut des perquisitions, des caisses de documents, un accès aux ordinateurs, aux serveurs, et on reste soumis à la règle du doute raisonnable», a expliqué Me Dionne.

Plus de discipline

Il invite la police à plus de discipline. «Restons calmes, on a eu de très bons succès dans des enquêtes de longue haleine quand on prend la peine de travailler ensemble.» Une mise en garde à la SQ? «C'est un peu le message que je veux lancer, tranche-t-il. On n'a pas à se tirer la balle mutuellement, à dire c'est la faute à Pierre ou à Jean.. On n'avancera à rien comme ça.»

Dans un dossier soumis par un enquêteur de Marteau, on a changé quatre fois de procureur de la Couronne, révèlent des sources sûres. À chaque occasion, le policier se voit demander des informations complémentaires, voit le dossier changer d'orientation au gré des changements de procureur. «Oui, il y a du roulement chez les procureurs, mais dans les dossiers Marteau, il n'y en a pas eu tant que ça... Certains ménagent la chèvre et le chou dans le but de pointer dans la direction des procureurs ou de leur directeur», a déploré Louis Dionne. «On doit laisser travailler les policiers. On doit laisser travailler les procureurs aussi.»

Prescription prochaine

L'enquête Marteau a déjà 68 dossiers d'accusations pénales, avec la Commission de la construction, par exemple. Certains dossiers sont proches de la prescription, a confirmé Me Dionne. Ainsi des accusations portant sur des voies de fait simples dans le monde des entrepreneurs ne sont pas loin du délai de cinq ans, au-delà desquels aucune poursuite ne peut être enclenchée. Selon une source gouvernementale, certains dossiers tomberont d'eux-mêmes au début de 2011 si des décisions ne sont pas prises à temps.