Député péquiste de Bertrand depuis 1998, Claude Cousineau se prépare, avec deux ou trois collègues, à se joindre aux troupes de François Legault l'automne prochain.

Exaspéré par les chicanes incessantes au PQ, le député dit entendre ses commettants qui lui recommandent de réorienter sa carrière.

«Le climat au PQ n'est pas facile -des chicanes, des départs... Je ne vis pas ça de façon positive. Je consulte beaucoup les gens de ma circonscription, mes proches. Ils me disent: «C'est malheureux, au Parti québécois, c'est toujours de la chicane. Tu devrais prendre une décision pour toi!»», a-t-il résumé dans un entretien à La Presse, quelques heures avant une réunion destinée à calmer le jeu dans la députation, secouée par une cascade de démissions.

Publiquement, plus tard, il a été beaucoup plus évasif: il s'est borné à expliquer que l'été était «propice à la réflexion», et qu'il déciderait de son avenir à l'automne.

Après cinq heures de réunion à huis clos, Pauline Marois a soutenu qu'elle avait «eu l'engagement formel de chacun des députés qu'ils adhéraient au programme du PQ» et qu'ils avaient le goût de se rendre aux élections à ses côtés. «Je peux garantir aux militants que l'hémorragie est stoppée, a-t-elle affirmé. Ce soir, je suis rassurée pour la suite des choses.»

Elle a promis des changements dans son caucus et dans son cabinet politique, ce qu'elle avait sèchement refusé de faire au moment des démissions des Pierre Curzi, Lisette Lapointe, Louise Beaudoin et Jean-Martin Aussant, il y a deux semaines.

M. Cousineau fait partie, indique-t-on dans les cercles péquistes, d'un groupe de quatre députés qui envisagent sérieusement de se joindre au parti qui naîtra à l'automne. D'autres élus -François Rebello dans La Prairie, notamment- entretiennent des rapports soutenus avec des gens de l'entourage de M. Legault. D'un commun accord, toutefois, on a décidé que l'ancien ministre ne leur parlerait pas directement pour l'instant.

Quand on lui a demandé s'il garantit qu'il se présentera avec le PQ de Pauline Marois aux prochaines élections, le député Rebello a répliqué spontanément: «Je n'ai pas à répondre à ça!» Dans un appel subséquent, il a fait une profession de foi envers sa chef.

Selon Alexandre Cloutier, député de Lac-Saint-Jean, «deux ou trois autres élus» pourraient quitter le PQ, mais ceux qui restent seront déterminés à serrer les rangs derrière Mme Marois.

Plus tôt cette semaine, Benoit Charette, député de Deux-Montagnes, a annoncé qu'il quittait le PQ et souligné qu'il était près des idées de François Legault et de la Coalition pour l'avenir du Québec. Claude Cousineau, lui aussi, aime bien l'ancien ministre Legault. «Je l'estime beaucoup, dit-il. J'ai siégé avec lui au pouvoir comme dans l'opposition. Jamais je ne laisserai quelqu'un le diaboliser.»

Dans sa circonscription de Bertrand, des sources fiables indiquent que M. Cousineau sonde activement ses commettants et ses organisateurs pour savoir comment serait perçu son départ du PQ. Déjà, en 2005, il se préparait à appuyer François Legault avant que ce dernier n'annonce qu'il ne serait pas candidat à la succession de Bernard Landry. Les partisans de Richard Legendre, auxquels s'étaient ralliés les pro-Legault, étaient convaincus d'avoir son appui avant qu'il ne passe, par un concours de circonstances, dans le camp d'André Boisclair.

L'ego des démissionnaires

C'était donc l'heure du ralliement, hier, pour les députés péquistes. Après cinq démissions successives, les députés se sont réunis quelques heures dans une atmosphère tendue. Ils ne se retrouveront qu'à la fin août. Ils s'en sont pris sans retenue à leurs ex-collègues qui ont claqué la porte depuis deux semaines.

Plusieurs ont cassé du sucre sur le dos des démissionnaires, une réaction que dit comprendre Mme Marois. «C'est très décevant de voir des gens en qui on avait pleine confiance décider de quitter la barque. Cela choque beaucoup la députation de voir qu'ils ont été élus sous la bannière du PQ et qu'ils vont siéger comme indépendants.»

Doyen du parti, François Gendron, d'Abitibi-Ouest, s'était manifestement préparé à tourner en ridicule les arguments des dissidents.

«Il faut tout faire pour que le PQ s'en tire. Le parti a un passé, une histoire. Il faudrait qu'il y en ait plus qui s'en souviennent. Le parti a servi le Québec, et cela devrait transcender les petites réflexions sur les nuances. Il y a un message, c'est clair, pour ceux qui quittent le bateau. Je les connais. On veut la soupe un peu plus poivrée ou salée... cela n'a plus de sens, il faut arrêter ça. Un parti politique n'est pas un jouet!», a-t-il lancé avant de se rendre à la réunion à huis clos.

«Le danger d'implosion existe si on continue à se regarder le nombril et à dire: il y a un petit «guidi» qui me fatigue. La position a été adoptée par 1700 délégués, mais si on ne retire pas cette phrase-là, on va faire la souveraineté avec des souverainistes indépendants! La farce a assez duré.»

Sans le nommer, il a pris à partie son ancien collègue Pierre Curzi, qui, mardi soir, a dit qu'il envisageait de se présenter comme indépendant aux prochaines élections: «Il y a de fausses raisons, des gens qui disent: «Il n'est pas question que je me représente», et qui disent le contraire à la télévision une demi-heure après.»

«Pensez-vous que mon éthique, après 35 ans de vie politique, n'est pas aussi importante que les autres?», lance-t-il en visant les collègues qui ont soutenu quitter le navire pour des raisons de principe.

Nicolas Marceau, député de Rousseau, croit qu'il faut «se poser des questions sur la légitimité de ceux qui ont démissionné». «Quand on se fait élire, on le fait sous une bannière. Les gens qui ont voté pour Nicolas Marceau ont voté pour le Parti québécois, pour les valeurs qu'il représente. Les gens qui ont choisi de quitter le parti, selon moi, n'ont plus le mandat populaire pour les amener là où ils sont. Il y a un déficit démocratique. Ils ont le droit de changer de discours, mais ils doivent retourner devant le peuple. C'est ce que je vais dire à ceux qui seraient tentés de changer de camp.»

«Il n'y avait que des prétextes dans les démissions des trois députés», estime pour sa part André Villeneuve, député de Berthier. Le leadership de Mme Marois, selon lui, n'est pas atteint. «Faire de la politique, c'est être capable de se rallier. Démissionner, c'est un peu abandonner aussi», a-t-il dit.

«Il faudrait qu'il y ait moins de gens qui se prennent pour des chefs et qu'il y ait plus d'Indiens, a dit Denis Trottier, député de Roberval. C'est difficile à digérer, les ego des uns deviennent plus importants que la cause. Il y a des gens qui sont trop tournés vers leur nombril.»

-Avec la collaboration de Fabrice De Pierrebourg