Un groupe de militants péquistes de Montréal dénonce des «dysfonctionnements dans la direction» du Parti québécois. Il réclame des changements, et pas des moindres: Pauline Marois doit mettre à la porte sa directrice de cabinet, Nicole Stafford.

«Je demande à Mme Marois d'y réfléchir sérieusement», a affirmé hier le président du PQ de Montréal-Centre, Atïm Leon, dans un entretien avec La Presse.

«Sans connaître Mme Stafford personnellement, sans avoir affaire à elle comme les députés, je sens qu'il y a un problème. Il faudrait être sourd pour ne pas entendre que, depuis plusieurs années, on en parle», a ajouté le militant de 37 ans. Selon lui, le départ de Nicole Stafford «pourrait améliorer la situation» au PQ.

À titre de président du PQ de Montréal-Centre, M. Leon est à la tête des associations de 14 circonscriptions, dont 4 sont représentées par un député péquiste. Une autre, Rosemont, est le siège de Louise Beaudoin, qui a claqué la porte du PQ la semaine dernière. Atïm Leon était son attaché politique lorsqu'elle dirigeait le ministère des Relations internationales.

La semaine dernière, une autre députée démissionnaire du PQ, Lisette Lapointe, a accusé «l'entourage de la chef» de faire preuve d'une «autorité outrancière». La femme de Jacques Parizeau n'a pas nommé Nicole Stafford -ni qui que ce soit, d'ailleurs-, mais elle a acquiescé d'un signe de tête lorsqu'un journaliste a fait mention de la chef de cabinet.

Dans les coulisses, bien des élus péquistes trouvent Mme Stafford intransigeante. Des doigts accusateurs l'ont désignée pour le cafouillage autour du projet de loi 204 sur l'amphithéâtre de Québec.

Pauline Marois a balayé toutes ces critiques d'un revers de main la semaine dernière. «Mon entourage est ma responsabilité, c'est moi qui vis avec», avait-elle lancé. Mais aujourd'hui, l'étau se resserre un peu plus sur Mme Stafford, son amie de longue date.

Pour Atïm Leon, «c'est totalement inacceptable qu'une chef de cabinet puisse rembarrer des députés» comme Mme Stafford l'a fait dans le dossier du projet de loi 204. «C'est contraire à l'esprit qui nous anime dans ce parti.» La chef de cabinet fait partie «des dysfonctionnements dans la direction du parti», a-t-il ajouté, mais ce n'est pas le seul.

«Sortir de la crise»

Atïm Leon, avec un groupe de militants montréalais, entend demander à Pauline Marois bien d'autres changements dans l'espoir de «sortir de la crise». Selon lui, les députés démissionnaires ont «attiré l'attention sur une problématique qui dépasse Mme Marois et qui a à voir avec la culture interne du parti». «Le parti doit se questionner sur ses façons de faire», a-t-il martelé.

Par exemple, il faut retrouver «une sorte d'équilibre dans les pouvoirs et les fonctions de tout un chacun». Le droit de parole des militants a été réduit avec la décision d'organiser moins de conseils nationaux, a-t-il souligné. Le PQ a privilégié depuis quelques années des «colloques thématiques préfabriqués où les militants ont peu de place pour s'exprimer». Il n'a pas voulu en dire plus sur sa liste de revendications. La chef a accepté de rencontrer son groupe.

M. Leon ne rend pas son appui à Mme Marois conditionnel à la mise en oeuvre de ses propositions. «On ne veut pas fonctionner comme ça, avec cette espèce d'idée d'ultimatum», a-t-il dit. Mais si Mme Marois oppose une fin de non-recevoir? «On verra», s'est-il contenté de répondre.

Il se défend d'attaquer le leadership de la chef. Il appuie la «gouvernance souverainiste» proposée par Mme Marois, une «démarche plus claire que ça ne l'a jamais été au PQ». «Notre groupe de Montréal-Centre ne veut absolument rien savoir de se lancer dans des cabales de course à la direction, de putsch et compagnie. On ne pense pas que ce soit la solution», a-t-il expliqué.

Crémazie

M. Leon croit que l'association de Crémazie, dont le président est Hadrien Parizeau, petit-fils de l'ancien premier ministre, orchestre un «putsch» qui «a peu de chances de succès». Quelque 95% des présidents de circonscription ont donné un appui sans réserve à Mme Marois lors d'une conférence téléphonique la semaine dernière, a-t-il affirmé. Mais M. Leon ne fait pas partie de ce groupe. Environ 4,5%, dont lui-même, réclament en effet des changements importants, a-t-il noté.

Le président s'oppose à la mise en tutelle de Crémazie, qui ne fait pas partie de Montréal-Centre. «Ça ne ferait que jeter inutilement de l'huile sur le feu. On doit traiter ça avec plus de circonspection», a-t-il plaidé.

Il trouve que la lettre des 12 «jeunes» députés du PQ -certains sont dans la quarantaine- était «une initiative malhabile», mais que «le message était sincère». Selon lui, Jacques Parizeau «gagnerait à réfléchir à son devoir de réserve»: «Il a entièrement le droit de s'exprimer sur ce qu'il veut. La question, c'est: M. Parizeau, on est dans la même barque. Si vous tirez, essayons donc de tirer vers l'extérieur de la barque, et non vers l'intérieur.»

Au sujet de Bernard Landry, qui demande à Pauline Marois de changer de stratégie sur la souveraineté, M. Leon s'est limité à un commentaire laconique qui en dit long sur le fond de sa pensée: «Partez-moi pas sur lui!»