Intimidation de journalistes, manifestations devant les locaux de quotidiens, appel au boycottage... Des médias ont été la cible de nombreuses critiques pendant la crise étudiante du printemps 2012. Étaient-ils réellement injustes envers les «carrés rouges» ?

Non, concluent des analyses rendues publiques hier par le Centre d'études sur les médias (CEM) de l'Université Laval. «Les médias ont fait largement un traitement équitable de ce conflit», indique le secrétaire général du CEM, Daniel Giroux, qui a dirigé l'étude avec Sébastien Charlton.

Leur équipe a analysé les informations relatives au conflit étudiant publiées dans quatre quotidiens

montréalais (La Presse, Le Journal de Montréal, Le Devoir et The Gazette) et diffusées dans cinq émissions de télévision à l'époque du conflit, en 2012.

Résultat: dans chaque quotidien, quelque 80% des nouvelles ne dégageaient pas d'impression négative ou positive à l'égard du gouvernement, du mouvement étudiant ou des associations étudiantes.

Qui plus est, dans les 20% jugés «orientés», tous les quotidiens sauf The Gazette ont davantage rapporté des éléments jugés défavorables au gouvernement. Cela s'explique en partie par la démission-surprise de la ministre de l'Éducation et le dépôt du controversé projet de loi 78.

Le constat est le même pour trois des cinq émissions de télévision analysées. Quelque 80% du contenu des deux téléjournaux de fin de journée et de l'émission 24 heures en 60 minutes étaient neutres.

Notons par ailleurs que les éditoriaux dans La Presse et la majorité des chroniques du Journal de Montréal étaient favorables à la position du gouvernement, tout comme la plupart des opinions exprimées dans le cadre des émissions d'affaires publiques du midi. Les Montréalais, eux, n'ont pas eu l'impression que les médias ont été équitables, selon l'équipe du CEM, qui a réalisé des entrevues de groupe. Les citoyens les plus âgés ont eu l'impression que les médias étaient favorables aux étudiants, tandis que les plus jeunes les ont accusés d'avoir nui à la cause étudiante en focalisant sur le grabuge.

Les citoyens et les experts consultés ont déploré le fait que les médias aient largement abordé les manifestations au détriment des enjeux importants de la crise.

Pour lire l'analyse: www.cem.ulaval.ca

Les médias et le conflit étudiant

La Presse

La Presse est le quotidien qui a consacré le plus d'espace à la crise étudiante (31% de la couverture des quatre journaux). Les éditoriaux ont été favorables à la position du gouvernement, mais ces dispositions «ne se reflètent pas dans les autres types de contenu», peut-on lire dans l'étude, qui conclut que «La Presse est le quotidien où les textes sont les moins orientés». Les auteurs qualifient sa couverture d'ensemble de la crise étudiante de «modérée».

Le Journal de Montréal

La vaste majorité des nouvelles publiées dans Le Journal de Montréal étaient neutres, mais les chroniqueurs ont offert une couverture «très critique» envers le mouvement étudiant, selon l'analyse du CEM. Les chercheurs ont dénombré 50 chroniques très défavorables aux étudiants, contre 5 très défavorables au gouvernement. «La direction aurait pu avoir un éventail plus grand de valeurs», croit M. Giroux, qui souligne que le quotidien a corrigé le tir depuis.

Le Devoir

C'est Le Devoir qui a consacré la part la plus importante de son propre contenu (11%) à la crise étudiante. Le quotidien indépendant est aussi celui ayant le plus couvert les enjeux de fond. Le Devoir est la publication qui s'est montrée la plus favorable à la cause étudiante. «S'il y a un petit billet quelque part, ça serait peut-être dans Le Devoir», indique Daniel Giroux.

The Gazette

Même si le conflit étudiant a surtout impliqué les institutions francophones, The Gazette a tout de même publié 20% du contenu portant sur le printemps érable. La ligne éditoriale du quotidien anglophone était critique envers le mouvement étudiant. «Les chroniques, les éditoriaux et, de façon encore plus forte, les lettres d'opinion sont largement plus défavorables aux opposants à la hausse», peut-on lire dans l'étude.

Les bulletins d'information

Les chercheurs ont analysé deux bulletins du soir: le Téléjournal 22h de Radio-Canada et le TVA Nouvelles de 22h. Comme ces bulletins étaient présentés lors des manifestations nocturnes, les réseaux ont beaucoup couvert leur déroulement et le travail des policiers. Malgré cela, plus des trois quarts du contenu ont été jugés neutres.

Les émissions d'affaires publiques du midi

L'émission Dumont le midi, à V, s'est particulièrement intéressée à la crise étudiante: du 4 mai au 23 juin, elle y a consacré un peu plus de la moitié de son temps. Plus du tiers du contenu était orienté, le plus souvent, en faveur du gouvernement. De son côté, TVA en direct.com a consacré moins de temps d'antenne au printemps érable. Près de la moitié du matériel n'était pas neutre, et ce, en raison de la place accordée à l'opinion des téléspectateurs.

24 heures en 60 minutes

Diffusée à RDI, l'émission 24 heures en 60 minutes a largement couvert les enjeux de fond liés au conflit étudiant. Quelque 80% du contenu n'était pas orienté envers l'un ou l'autre des protagonistes. «De plus, 37 des 39 interviews qui s'y sont déroulées ont été jugées comme étant neutres par les experts du panel», peut-on lire dans l'analyse du CEM.