Pauline Marois a réalisé un premier engagement électoral jeudi en annulant la hausse des droits de scolarité. Les fédérations étudiantes crient victoire. Et elles comptent maintenant sur les «tiraillements» internes au Parti québécois pour faire reculer la première ministre sur son intention d'indexer les droits.

En conférence de presse, Pauline Marois a annoncé que le Conseil des ministres, qui venait de se réunir pour la première fois, avait annulé la décision du gouvernement Charest d'augmenter la facture des étudiants de 1778$ en sept ans (254$ par année). Le plafond des droits de scolarité pour l'année 2012-2013 reste donc à 2168$. Le gouvernement Marois maintient les bonifications au régime de prêts et bourses déjà annoncées par le gouvernement Charest.

La loi 12 sera quant à elle abrogée par décret dès demain - seules les dispositions sur le calendrier de la reprise des cours et du trimestre d'automne seront maintenues.

« Ces deux décisions permettront de ramener la paix et de rétablir les droits et libertés », a lancé Pauline Marois en conférence de presse.

Selon Martine Desjardins, présidente de la FEUQ, « c'est le triomphe de la justice et de l'équité ». « Collectivement, on vient d'écrire un chapitre de l'histoire du Québec. Collectivement, on vient de prouver qu'on est capable de se tenir et d'atteindre une des plus grandes victoires du mouvement étudiant. »

Mais « l'histoire n'est pas terminée », a indiqué sa collègue de la FECQ, Éliane Laberge. Comme Pauline Marois l'a promis, un sommet sur l'enseignement supérieur aura lieu prochainement, mais pas nécessairement dans les 100 premiers jours du gouvernement - un délai qui n'indispose pas les fédérations étudiantes.

À ce sommet, la première ministre entend proposer l'indexation des droits de scolarité. Mais les fédérations étudiantes universitaire et collégiale - la FEUQ et la FECQ - croient que cette position a de bonnes chances d'être revue à l'occasion du prochain conseil national du PQ, en novembre.  

«Je pense qu'il va y avoir des tiraillements, des discussions, un argumentaire, des débats. J'espère qu'il va y en avoir. On sait qu'au gouvernement péquiste, il y a souvent de bons débats. Ça va nous faire changement du gouvernement libéral. Profitons-en!», a lancé Martine Desjardins.

D'après elle, il n'est pas certain encore que le Parti québécois défendra d'indexation puisque cela n'a fait l'objet d'aucun vote des militants péquistes jusqu'à présent. L'indexation ne figure ni dans le programme ni dans la plateforme électorale du parti. «Je n'ai pas l'impression que tous les membres du Parti québécois vont défendre [l'indexation] au prochain congrès, avant le sommet, a-t-elle fait valoir. Attendons de voir ce que ça va donner. Je suis convaincue qu'on va plutôt proposer une mesure d'accessibilité des études.»  

Jeudi, le député Léo Bureau-Blouin, adjoint parlementaire de Mme Marois, a réitéré qu'il entend «pousser pour le gel des droits de scolarité». « À savoir si la position gouvernementale va changer... Il y a quand même eu des engagements en campagne électorale, a dit l'ex-président de la FECQ. C'est le genre de chose qu'il va falloir vérifier. L'objectif du sommet, c'est d'être un lieu de débat aussi. On convoque un sommet non pas pour imposer une décision, mais pour écouter l'ensemble des acteurs concernés.»

Pauline Marois n'a pas précisé si l'indexation allait être à l'ordre du jour du conseil national. « Je ne vais pas renoncer [à l'indexation] avant de l'avoir proposée », a-t-elle indiqué. Selon elle, l'indexation est « une forme de gel ».

Martine Desjardins et Éliane Laberge, pour leur part, demandent toujours le gel. «Et si le Parti québécois veut apporter la mesure d'indexation, on a confiance en nos recherches, en notre crédibilité et, surtout, en nos appuis pour défendre d'autres mesures, a affirmé Martine Desjardins. On va être prêts pour le sommet et pour aller défendre notre point de vue. »  

La FEUQ et la FECQ, qui saluent la nomination de Pierre Duchesne, affirment qu'une rencontre aura lieu avec lui «dans les prochains jours».  

Les fédérations lui demandent de créer une «table de travail d'urgence», notamment pour régler certains problèmes de prêts et bourses auxquels des étudiants ont eu à faire face et pour planifier le sommet. Elles veulent également que le Vérificateur général ait plus de pouvoir et puisse mettre son nez dans les livres des universités. Elles demandent au nouveau ministre de ne pas augmenter les plafonds de prêts comme voulait le faire le gouvernement Charest, mais plutôt de bonifier les bourses.

Avant la conférence de presse de la FEUQ et de la FECQ, Pierre Duchesne a affirmé qu'il veut «ouvrir un dialogue complet» au sommet sur l'enseignement supérieur, qui s'annonce comme le premier test du gouvernement péquiste. «Mme Marois a identifié une espèce d'espace de discussion. Un forum, c'est pour évaluer toutes les possibilités», a-t-il soutenu. Même la gratuité scolaire, une option rejetée clairement par Mme Marois? «Ce sera discuté dans le cadre d'un forum, si les gens veulent en discuter. Maintenant, il faut expliquer, justifier, démontrer pourquoi on favorise cela. Et je vous rappelle qu'il n'y a pas que les étudiants qui seront là. Il y aura aussi les recteurs, le milieu de l'enseignement - les professeurs, les syndicats -, des chercheurs. On va tenir une vraie discussion. Et le ministre autant que le premier ministre vont rencontrer tout le monde», a-t-il précisé avant la première réunion du Conseil des ministres.