Quatre mois après avoir été brusquement arrêté et menotté sur la terrasse de son propre commerce pendant une manifestation étudiante, le propriétaire d'un restaurant du centre-ville réclame 42 000$ en dommages à la Ville de Montréal. Il dépose également une plainte en déontologie policière dans l'espoir de retrouver la trace de l'agent qui a procédé à son arrestation.

Le 19 mai, alors qu'une manifestation tournait au vinaigre, Dominique Dion, propriétaire du Resto-bar Zéro8 situé rue Saint-Denis, a été arrêté par la police. Il se tenait sur le seuil de la porte pour laisser entrer dans son commerce les gens réfugiés sur sa terrasse. Selon ce qu'il raconte, un policier du groupe d'intervention a fait irruption sur sa propriété en criant: «Lui, on l'embarque.»

«Pardon? Je suis propriétaire», a répondu le restaurateur, qui portait un carré rouge sur sa chemise. «Je m'en calice», aurait rétorqué le policier, avant de le plaquer contre la fenêtre et ensuite le projeter au fond de la terrasse, toujours selon M. Dion. Il a été menotté, embarqué dans un véhicule de police et amené au poste sirènes hurlantes. «C'était fou, raconte le commerçant. Le policier avait complètement perdu les pédales.»

Après plusieurs heures en cellule, l'homme d'affaires a été relâché sans qu'aucune accusation ne soit portée contre lui. Il n'a pas reçu de contravention.

Un mois plus tard, le chef du poste de quartier en personne lui a envoyé une lettre d'excuses. «De nombreuses interventions ont lieu et malheureusement, certaines ne se déroulent pas comme nous l'aurions souhaité, écrit l'inspecteur Alain Simoneau. Il est difficile pour nous d'expliquer l'attitude du policier concerné et nous prenons part à votre inquiétude face à ce comportement», poursuit le chef.

Si Dominique Dion apprécie le geste, il refuse de laisser impuni le comportement «inacceptable» d'un membre des forces de l'ordre. «On ne peut pas accepter ça au Canada. J'étais chez moi. Sur mon terrain. Et je ne faisais rien de mal», clame-t-il. Depuis l'événement, il se plaint de problèmes de motricité d'un pouce qui, selon lui, pourraient être dus aux des lanières en plastique qui ont servi de menottes et qui étaient «trop serrées».

Plainte en déontologie

Plusieurs mois après l'incident, le restaurateur ne connaît toujours pas l'identité de l'agent qui l'a arrêté. Il espère que sa plainte en déontologie policière lui permettra de retrouver sa trace. «Mon restaurant est situé dans un secteur animé et j'ai souvent besoin des policiers. Ils ont toujours été extrêmement professionnels avec moi. Mais cet homme-là ne l'a pas été.»

M. Dion a aussi envoyé en fin de semaine dernière une mise en demeure à la Ville de Montréal dans laquelle il donne 15 jours pour que lui soit accordé 42 000$ en dommages. Il exige notamment 10 000$ pour atteinte à la réputation et autant en dommages corporels.

À la Ville de Montréal, qui confirme la réception de la mise en demeure, on dit étudier le dossier. «Nous allons procéder à l'examen de ce document et des circonstances des événements auxquels il est fait référence avant de prendre position», explique le porte-parole Gonzalo Nunez.