Le départ de Gabriel Nadeau-Dubois s'est fait sur fond de vives tensions au sein de la Coalition large de l'Association pour une solidarité syndicale étudiante (CLASSE) quant à la possibilité d'une trêve électorale, selon les proches de l'ex-porte-parole de la CLASSE avec lesquels La Presse a pu s'entretenir.

Malgré son image médiatique de radical, le leader étudiant était considéré comme extrêmement modéré au sein des instances de la CLASSE.

Ces tensions se sont ajoutées à une fatigue intense et ont poussé le charismatique leader étudiant hors du ring politique, selon nos sources. Celles-ci divergent toutefois quelque peu d'opinion sur l'importance de ces tensions dans la balance.

«Gabriel part dans un contexte où les radicaux sont "virés sur le top" et ne réalisent pas encore que la grève est finie à cause des élections», a confié une source qui côtoie l'ex-leader. Une autre croit plutôt que «c'est plus une fatigue accumulée. [...] Quand quelqu'un n'est plus capable, il n'est plus capable».

Gabriel Nadeau-Dubois a fait parvenir sa lettre de démission sur une liste de diffusion interne dans la nuit de mercredi à hier.

Il a refusé d'accorder une entrevue à La Presse.

Tensions

Minimisées par les porte-parole de la CLASSE, qui préfèrent parler de «débats», les tensions entre militants pro-trêve et pro-grève ont éclaté au grand jour sur les réseaux sociaux dans les dernières heures. Les accusations fusent.

Dans la journée d'hier, par exemple, deux leaders de l'organisation ont dû monter au créneau pour défendre la sincérité de leur position pro-grève. Ils étaient accusés d'avoir participé à une «valse-hésitation autour de la trêve électorale dans les hautes sphères de la CLASSE» par un militant.

Keena Grégoire et Alain Savard, tous deux membres du comité de direction de la CLASSE, ont rapidement répliqué.

«Dire que la grève s'effondre à cause d'un manque de volonté de l'exec [exécutif] de la CLASSE, c'est de l'hostie de bullshit, a écrit M. Savard. C'est se fermer les yeux sur ce qui se passe.»

Il continue en affirmant qu'«il y a des limites à ce qu'on peut faire [pour faire poursuivre la grève]», donnant en exemple le Collège de Valleyfield, qui a voté un retour en classe même si «les militant-e-s locaux étaient très bien préparés et ont fait valoir d'excellents arguments».

Selon Camille Robert, porte-parole officielle de l'organisation, il n'y a pas de «tensions» au sein de la CLASSE. «Avoir des débats, ce n'est pas créer des tensions», a-t-elle assuré en entrevue.

Fatigue

Dans sa lettre de démission, Gabriel Nadeau-Dubois dit plutôt vouloir laisser la place à du sang neuf pour expliquer son départ de la CLASSE.

«Cette décision n'est ni motivée par l'amertume, ni par le désespoir. Au contraire, je suis plus convaincu que jamais de la nécessité de poursuivre la mobilisation entreprise dans les six derniers mois», a-t-il écrit.

«La CLASSE a besoin de sang neuf et je sais qu'il y a parmi mes collègues des gens formidables.»

En début de journée, les chefs de parti en campagne se sont fait voler la vedette par le départ de Gabriel Nadeau-Dubois, qui en était venu à incarner à lui seul le mouvement de grève étudiante aux yeux de plusieurs.

Le chef de la Coalition avenir Québec (CAQ), François Legault, a salué le départ de Gabriel Nadeau-Dubois, tout en soulignant qu'il partage peu d'opinions communes avec l'ex-leader de la CLASSE.

«C'est un jeune qui a beaucoup de talent, qui est très charismatique», a déclaré le chef caquiste.

De passage dans Chicoutimi, la chef du Parti québécois, Pauline Marois, a salué le travail de M. Nadeau-Dubois. «Si on n'est pas capable d'exagérer à 20 ans, je pense qu'on risque d'être bien ennuyant à 60 ans», a-t-elle lancé.

Pour sa part, le chef libéral Jean Charest n'a pas voulu commenter directement la démission de Gabriel Nadeau-Dubois.

- Avec Paul Journet, Martin Croteau et Tommy Chouinard