À l'aube des festivités de la Formule 1, le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) a procédé à une rafle chez les militants étudiants, hier. Des agents ont perquisitionné chez le député Amir Khadir, dont la fille a été arrêtée. Malgré les critiques qui s'élèvent, les autorités tenteront sous peu d'arrêter d'autres contestataires après avoir découvert que certains d'entre eux occupaient des emplois temporaires au Grand Prix de Montréal, a appris La Presse.

C'est au terme de plusieurs enquêtes criminelles distinctes reliées à la crise étudiante que les policiers sont débarqués dans les milieux militants. Six personnes ont été arrêtées et pourraient passer le week-end en prison, mais cinq cibles échappaient toujours au coup de filet, hier soir.

Le SPVM assure que le moment choisi pour leur capture était dicté par l'évolution des enquêtes sur les épisodes de perturbation passés et non par crainte de voir les manifestations étudiantes ternir la grande messe de la Formule 1.

«Il n'y a aucun lien à faire entre ces arrestations et le Grand Prix. Le seul message que nous envoyons, c'est qu'aucun acte criminel ne sera toléré, peu importe la situation», a martelé l'agent Yannick Ouimet, porte-parole du SPVM.

Mais selon ce qui transpire sur le terrain, des enquêteurs ont tout de même lancé des recherches frénétiques hier soir pour retrouver des manifestants qui occupaient de petits emplois temporaires dans l'organisation du Grand Prix. Une des six personnes arrêtées  serait du nombre.

Pour l'instant, l'arrestation qui a fait le plus de bruit est celle de Yalda Machouf-Khadir, fille du député de Québec solidaire, Amir Khadir.

Sur le coup de 6h hier matin, des policiers se sont présentés au domicile familial, sur le Plateau Mont-Royal, et ont informé Nima Machouf, la femme du député, qu'ils étaient là pour arrêter sa fille de 19 ans.

La jeune fille dormait avec son ami de coeur, Xavier Beauchamp. Les deux se sont habillés, ont été menottés, puis amenés au poste de police. Une équipe d'enquêteurs a ensuite investi la résidence en quête d'objets incriminants.

«Je vais vous surveiller»

«Je vais vous surveiller pour m'assurer que vous ne saccagiez pas ma maison et n'humiliiez pas ma famille et le quartier», leur a lancé Mme Machouf, révoltée.

Les policiers auraient dit à la mère de famille que l'arrestation avait un lien avec le saccage du bureau de circonscription de l'ex-ministre de l'Éducation Line Beauchamp, le 13 avril.

Dans Hochelaga-Maisonneuve, les policiers ont aussi perquisitionné dans l'ancien appartement de François-Vivier Gagnon, un des accusés dans l'affaire des bombes fumigènes dans le métro, le 10 mai.

Ils se sont aussi rendus chez l'ancien candidat de Québec solidaire Sébastien Robert, à Longueuil. Ils y cherchaient Hugo Lebleu-Tadros, qui a déjà été arrêté dans le cadre du conflit et qui devait loger là-bas à compter d'hier soir en vertu de ses conditions de libération.

«Il est évident que ce n'est pas un hasard, cette opération. Le Bahreïn avait fait la même chose avant son Grand Prix pour arrêter des opposants politiques. On veut créer un effet psychologique sur les étudiants», affirme M. Robert.

Le SPVM mentionne que la vague d'arrestations est reliée à divers méfaits commis au bureau de l'ex-ministre Beauchamp, à l'Université de Montréal et dans le métro. Les suspects ne sont pas tous reliés entre eux. Ils seront accusés, selon les cas, d'introduction par effraction, de méfait, de voies de fait sur policier, d'intimidation de membre du gouvernement, de complot et même d'incitation à craindre des activités terroristes.

La Presse a mentionné à une source policière que le moment choisi pour intervenir pouvait difficilement passer pour un hasard. Réponse: «Ça tombe bien, en effet, qu'ils soient en dedans pour le week-end du Grand Prix. Mais l'enquête dure depuis un mois, depuis l'affaire des fumigènes dans le métro.»

Cette source était aussi consciente des parallèles que certains observateurs peuvent tracer avec le Sommet des Amériques à Québec, en 2001. Juste avant l'événement, la police avait lancé une opération spectaculaire contre des activistes. Des jeunes avaient été arrêtés en possession d'armes, en route pour Québec. Puis, leur procès avait révélé que leur groupe, Germinal, avait été infiltré par deux agents de la GRC depuis deux mois, donc que les arrestations auraient pu être effectuées bien avant. Le procès avait aussi révélé que ces agents avaient joué un rôle actif dans la préparation des plans de perturbation de Germinal.

L'affaire est différente cette fois, assure le policier. «Aucun infiltrateur n'a été utilisé pour les arrestations d'aujourd'hui», souligne-t-il. Les suspects se seraient incriminés eux-mêmes en laissant des traces ou auraient été dénoncés.

Rivalité

Tant le SPVM que la SQ ont encore plusieurs enquêtes en cours sur des activistes étudiants. Certains dossiers se recoupent, et il existe une certaine rivalité entre les enquêteurs des deux organisations. Ainsi, selon ce que La Presse a appris, des agents du SPVM auraient préféré que la SQ ne soit pas mise au parfum de l'enquête sur la fille d'Amir Khadir, de crainte que de l'information ne se rende au député.

Des policiers montréalais narguent la SQ car elle aurait «peu accompli» dans le dossier étudiant. Des gens de la SQ rétorquent qu'ils ne sont pas là pour faire «des shows de boucane».

Les hautes instances des deux organisations collaborent toutefois étroitement et se rencontrent souvent pour discuter de la crise. Hier soir, le SPVM a eu l'aide de la SQ, responsable de la surveillance du quadrilatère entourant l'endroit où se tenait le cocktail du Grand Prix. Dimanche, la mission des «verts» sera de protéger à tout prix le pont Jacques-Cartier, accès vital au circuit Gilles-Villeneuve.

Photo Patrick Sanfaçon, La Presse

Yalda Machouf-Khadir