Geneviève Dick a tapé de la casserole hier, dans le quartier Villeray. Mais elle ne promet pas qu'elle sera de la partie demain, ou la semaine prochaine. «Même nous, on est tannés des casseroles, dit en riant l'étudiante en philosophie à l'Université Concordia. On se demande: qu'est-ce qu'on fait maintenant?»



La baisse de participation aux manifestations tapageuses de quartier et aux marches nocturnes du centre-ville est perceptible cette semaine. Hier, ils étaient une centaine à l'intersection de Jarry et Saint-Denis, soit la moitié moins que la semaine dernière lors de la rupture des négociations.

Mais le terme «essoufflement» fait grimacer ceux qui, il y a deux semaines, se sont joints avec enthousiasme aux rassemblements d'indignés armés de cuillères et de chaudrons.

«Je suis toujours, sinon encore plus en colère, écrit Lucie Chagnon, de Montréal. La colère émotive qui m'a précipitée sur une casserole et dans la rue a fait place à une colère froide et bien installée. Non, je ne tape plus sur ma casserole. Qui l'entend? Certainement pas la classe politique. [Jean] Charest ignore tout simplement ces dizaines de milliers de citoyens qui l'interpellent et aucun des partis d'opposition n'a su canaliser cet incroyable mouvement populaire.»

Ziyu Xiao non plus ne tape plus. «Je suis déçu du fait que les négociations ont dû être rompues.» Nicolas Moreau, lui, rate des manifs par manque de temps. «Je crois que les casseroles ne résonnent pas aux bons endroits. Je n'ai pas entendu parler de casseroles dans les comtés libéraux et c'est là qu'on devrait déranger.»

En discutant avec des militants de son quartier, Outremont et Mile End, Andres Segovia a remarqué qu'ils étaient «un peu las du peu de résultats de leurs actions». «Il existe une désillusion sur le plan politique, écrit-il. Mais aussi un réveil, une conscience politique qui n'était pas présente, il y a quelques semaines à peine. Une nouvelle lecture de la situation devant les actions de la police et du législateur.»

Repli stratégique?

C'est aussi l'observation de Marie-Ève Cormier. Cet «essoufflement» de la mobilisation, dit-elle, est une «impression superficielle». La mobilisation se transformera bientôt en «un désir de mieux structurer collectivement sa pensée», prédit-elle. «Le rapprochement qu'elle a permis entre voisins facilitera les échanges à venir, et déjà, dans plusieurs quartiers, des rassemblements autonomes visent à discuter plus concrètement des actions à poser pour faire face aux défis à venir.

«Déjà, ajoute Mme Cormier, j'observe dans mon entourage physique et virtuel un grand sentiment d'urgence quant à la nécessité de planifier des stratégies électorales.»

Lucie Chagnon concentre désormais ses énergies à «dénoncer le plus possible les exactions du gouvernement en utilisant les réseaux sociaux, dans le but de tenter de réveiller ceux qui appuient toujours la politique libérale». «Je me rends compte que les gens sont mal renseignés ou qu'ils ne voient qu'une partie de la réalité. Beaucoup ont peur du dérangement.»

Des élections? Oui, évidemment. Mais son choix n'est pas encore arrêté - elle se dit déçue de Pauline Marois et de son refus de former une coalition avec d'autres candidats progressistes. «Je rêve d'un pays où c'est le bien commun qui prime, pas le bien d'un seul parti.»

Nicolas Moreau songe à adhérer à Québec solidaire. «J'ai ce sentiment infatigable que je dois faire quelque chose pour ne pas se retrouver encore une fois avec M. Charest comme premier ministre.»

Pour Geneviève Dick, l'action ne se passe désormais plus seulement par la rue. «C'est toute la logistique d'action qui est en réflexion», dit-elle. Elle s'implique désormais à l'échelle locale, organisant des assemblées populaires dans son quartier et militant avec Québec solidaire.

Pendant le dernier trimestre, dit-elle, les étudiants ont pris le temps de réfléchir sur la société qu'ils désiraient. «Comment peut-on maintenant transmettre nos réflexions à la population? Aux familles, aux personnes âgées? se demande-t-elle. C'est bien de manifester avec les casseroles, mais j'ai envie de connaître les gens avec qui je tape.»