Maxence Valade et Alexandre Allard sont les manifestants qui ont été les plus gravement blessés depuis le début du conflit étudiant. Tous deux ont subi d'importants traumatismes crâniens au cours de l'émeute du 4 mai dernier, à Victoriaville. On a même craint pour la vie de l'un d'eux au cours des heures suivant l'événement. La Presse a rencontré les jeunes hommes.

Le seul moment dont Alexandre Allard se souvient ce soir-là, c'est d'avoir été transporté par des manifestants loin de la ligne de policiers qui chargeaient et des gaz lacrymogènes. Pour tout le reste, c'est le noir le plus complet.

Son court passage à l'hôpital de Victoriaville, il l'a appris de ses proches. Même la nature du projectile qui lui a brisé le crâne, il n'en a aucune idée. Ses amis assurent avoir vu une balle de plastique. Lui-même croit impossible d'avoir été touché par un projectile lancé par un manifestant, en raison de sa position. Le côté de sa tête qui a été touché faisait face aux forces de l'ordre, a-t-il relaté.

La Sûreté du Québec assure au contraire qu'il est hautement improbable que ce soit l'un de ses projectiles qui ait blessé le jeune homme.Les médecins, quant à eux, «ne s'avancent pas là-dessus».

«Je me suis placé pour être près de l'action, mais je n'ai jamais rien fait pour être une cible des policiers», a juré au téléphone l'étudiant en histoire à l'Université Laval. «Je faisais juste regarder.»

Convaincu mais calme



Alexandre Allard, que ses amis décrivent comme un militant convaincu mais calme, a subi une fracture et un traumatisme crânien le 4 mai dernier, lorsqu'une manifestation s'est transformée en véritable émeute, à Victoriaville.

«Alexandre, c'est quelqu'un d'assez tranquille. Ce n'est pas quelqu'un qui crie ou qui casse», a assuré son ami Étienne Garant, le lendemain de l'émeute.

Ses médecins lui ont rapporté qu'il avait subi deux commotions cérébrales coup sur coup: une première causée par un projectile et une deuxième lors de sa chute au sol. À présent, le futur historien va mieux.

Il souffre «d'étourdissements de temps en temps, parce qu'il y aurait quelque chose de déplacé dans [son] oreille», a-t-il expliqué à La Presse. Plus grave, il oubliait «des mots de temps en temps», dans ses premiers jours de convalescence. La situation s'est améliorée depuis. «Je n'entends plus rien de mon oreille gauche», a aussi relaté le jeune homme, qui assure que ses médecins lui avaient dit que cet état de fait serait temporaire.

Après une dizaine de journées d'hospitalisation, il est maintenant rentré à la maison familiale... à Victoriaville.

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«Ça aurait pu être pire, j'aurais pu mourir»

Si vous ne connaissez pas Maxence Valade de nom, vous connaissez sûrement son histoire. C'est lui qui, le 4 mai dernier, a reçu un projectile, encore non identifié, en plein visage durant l'émeute de Victoriaville. Il a perdu un oeil. Moins d'un mois plus tard, il est de retour à la maison. Toujours aussi déterminé, il a déjà recommencé à manifester.

«Sur le coup, ç'a été tout un choc pour ma famille et mes amis, mais ça aurait pu être bien pire. J'aurais pu mourir ou rester handicapé intellectuellement», dit l'élève de 20 ans en sciences humaines au cégep de Saint-Laurent, à Montréal.

De l'accident, il garde un souvenir distinct. «Je suis tombé par terre et je me suis dit: ça y est. J'ai perdu mon oeil.» Il a été transporté d'urgence à l'hôpital de Victoriaville, puis transféré à Trois-Rivières à cause de la gravité de son cas. Diagnostic: traumatisme crânien et perte de l'usage d'un oeil. Il est passé sous le bistouri. Une opération de huit heures qui a nécessité l'intervention d'un neurochirurgien, d'un ophtalmologiste, d'un plasticien et d'un chirurgien maxillo-facial. À son chevet, mais aussi au cégep où il agit à titre de porte-parole de l'association étudiante, proches et amis se rongeaient les sangs.

Toujours militant

Malgré la gravité de ses blessures (une prothèse remplacera son oeil gauche), Maxence Valade n'est pas amer. Il n'exclut toutefois pas l'idée d'entreprendre des poursuites judiciaires. «Il y a toujours un risque quand on se présente dans une manifestation. J'avais vu des images de violence et de brutalité policière avant Victoriaville. Je savais dans quoi je m'embarquais.» Il assure que ce qui lui est arrivé ne change pas sa vision du conflit étudiant et qu'il ne ressort pas de cette épreuve moins militant.

«Je recommence à m'impliquer tranquillement. Pas trop vite, parce que je suis souvent fatigué et que je ne peux pas courir. Alors je fais un peu de casseroles.» Athlète aguerri, il ne met pas une croix sur sa passion, le patin à roulettes. «J'aurai besoin de me réajuster, mais je vais m'y remettre.»

Très politisé, le jeune homme en a long à dire sur la grève. Selon lui, le gouvernement a laissé pourrir la situation et les policiers ont réagi avec trop d'agressivité, ce qui a poussé plusieurs manifestants à se radicaliser. Certains dans leur pensée, d'autres dans leurs gestes. Il soutient que ça ne lui est pas arrivé.