La ministre de l'Éducation, Michelle Courchesne, a apporté à son projet de loi spéciale un changement qui est loin d'atténuer les inquiétudes de l'opposition. Le ton a bien souvent monté à l'Assemblée nationale, où les débats ont duré toute la nuit.

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Selon l'amendement présenté ce matin, tout organisateur d'une manifestation de 25 personnes ou plus devra fournir aux policiers, 8 heures à l'avance, l'itinéraire et la durée de cette sortie. Le projet de loi 78 prévoyait à l'origine la même obligation, mais pour une manifestation de 10 personnes ou plus.

L'article 16 prévoit également que les policiers peuvent ordonner un changement de lieu ou une modification de l'itinéraire pour des motifs de sécurité. Les organisateurs et les participants doivent obtempérer.

La Coalition avenir Québec avait proposé d'assujettir à la loi les manifestations de 50 personnes ou plus.

Pour justifier son choix, Michelle Courchesne a affirmé que si le nombre était « trop élevé », les policiers auraient à compter pour s'assurer de l'application de la loi, ce qui n'est pas efficace.

«S'il faut que les policiers soient obligés de compter le nombre de manifestants avant d'être capables d'agir, on n'est plus dans l'efficacité du travail des corps policiers », a-t-elle déclaré.

L'opposition a condamné cette disposition: « Cet article est indéfendable ! a tonné la députée péquiste Marie Malavoy. Que ce soit 10 ou 25 personnes, nous sommes quand même devant un projet de loi qui a des failles majeures et qui, d'aucune manière, ne va amener la paix sociale au Québec. Les réactions sont violentes et virulentes de la part de tous les groupes sociaux.»

Le chef d'Option nationale, Jean-Martin Aussant, a reproché à la ministre de brimer le droit de manifester alors que des lois existent déjà pour arrêter les casseurs. Selon lui, le projet de loi empêche toute manifestation spontanée.

«Le droit de manifester est total, il n'est pas brimé, a répliqué Michelle Courchesne. Ce qu'on dit, c'est que la spontanéité peut créer des débordements aussi. Notre responsabilité, c'est la sécurité publique.»

Le député péquiste Alexandre Cloutier a insisté: «Est-ce que les manifestations spontanées sont désormais illégales au Québec?»

«Il faut manifester de façon sécuritaire», a répondu la ministre, et le projet de loi prévoit «des critères nécessaires» pour s'en assurer.

Le leader parlementaire du PQ, Stéphane Bédard, a demandé si une personne qui envoie sur Twitter un message d'invitation à une manifestation pourrait contrevenir à la loi. «La nature et le contenu du message devront être considérés», a indiqué Michelle Courchesne, confirmant que les policiers pourraient faire des vérifications sur les médias sociaux.

Pour justifier un avis écrit de huit heures aux corps de police, Michelle Courchesne a expliqué que c'est «une question d'efficacité» pour la gestion des effectifs policiers. Elle a noté que les quarts de travail des policiers sont de huit heures.

Quant à l'obligation de fournir l'itinéraire, elle a dit: «N'est-il pas normal d'informer la population des rues qui seront bloquées? C'est une question de respect.»

Ces explications n'ont pas satisfait l'opposition. «Ce projet de loi ne devrait jamais être adopté par le parlement du Québec!» a lancé Marie Malavoy.

L'opposition officielleclame que la loi spéciale accorde des pouvoirs excessifs au gouvernement. L'article 9 prévoit que le gouvernement peut apporter des «adaptations» à toute loi en vue d'assurer l'application de la loi spéciale. Mais Michelle Courchesne a insisté: ce pouvoir se limite à des adaptations visant à assurer l'aménagement du calendrier scolaire.

Les péquistes ont cuisiné la ministre sur d'autres articles, comme celui qui dit que «nul ne peut par un acte ou une omission» entraver «le droit d'un étudiant de recevoir l'enseignement» ou «l'accès à un établissement». Un autre article a provoqué des flammèches: «Toute forme de rassemblement qui pourrait avoir pour effet d'entraver» l'accès à un établissement est interdite «dans un rayon de 50 mètres des limites externes» du terrain.

Les péquistes ont exposé une série d'exemples pour vérifier la portée de la loi, qu'ils jugent floue. Michelle Courchesne a souvent répondu que l'application de la loi se fera selon le «gros bon sens» et que ce sont les juges qui l'interpréteront. Elle a répondu le plus souvent avec calme, mais elle a montré des signes d'impatience à quelques reprises, faisant un reproche, au micro, à un haut fonctionnaire.

«Plus on discute, plus ça s'embrouille», a dit Marie Malavoy au sujet de ce projet de loi «fait à la va-vite». Les débats ont commencé en fin de soirée hier et se poursuivent aujourd'hui.