Des manifestants bruyants et survoltés ont réussi à perturber, ce matin, le retour en classe des étudiants en droit - et même d'autres facultés - de l'UQAM. Les cours de droit seront finalement levés jusqu'à vendredi.

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Les étudiants en droit comptent pour un peu moins du tiers des quelque 2100 membres de l'Association facultaire étudiante de science politique et droit (AFESPED) de l'UQAM.

Dans leur propre assemblée générale, les 600 étudiants en droit ont voté deux fois pour la reprise des cours. Mais à l'AFESPED, leur position minoritaire fait en sorte qu'ils n'ont pas réussi à faire pencher le vote pour la reprise. Les statuts des associations étudiantes de l'UQAM ne reconnaissent pas la primauté des décisions d'une association sur une autre. Ainsi, les étudiants de droit, membres de leur propre association comme de l'AFESPED, n'ont pu retourner en classe malgré leur vote en ce sens. Les étudiants de dernière année craignaient en outre de rater leur admission à l'école du Barreau si la grève s'étirait au-delà du 7 mai.



Photo Patrick Sanfaçon, La Presse

Les manifestants sont entrés dans l'UQAM.

L'UQAM a demandé et obtenu mardi que soit ajouté à l'ordonnance de sauvegarde qu'avait rendue le tribunal il y a quelques semaines, et qui limitait le droit de dresser des piquets de grève sur son terrain, que désormais les cours des étudiants en droit ne puissent plus être levés. C'est dans ce contexte que devaient reprendre les cours du département des sciences juridiques ce mercredi matin.

À 9h30, environ 500 manifestants se sont lancés en courant à l'assaut des pavillons de l'université en criant : «À nous l'UQAM!»

Plusieurs ont réussi à entrer par divers endroits.

Le groupe que nous avons suivi a parcouru le pavillon Hubert-Aquin ainsi que ceux des sciences de la gestion et de l'éducation.

Il a erré dans les couloirs, se butant à des portes closes ou surveillées par des agents de sécurité, traitant au passage de «scabs» des étudiants non grévistes croisés en chemin.

Les manifestants ont fini par trouver une classe dont le professeur a ouvert la porte pour voir ce qui se passait. Mauvaise décision : les manifestants l'ont repoussé à l'intérieur et sont entrés de force. Un étudiant costaud a tenté de leur barrer la route, sans succès. Une bousculade a éclaté entre quelques individus masqués et cet étudiant.

On s'est alors rendu compte qu'il s'agissait d'une salle de classe de la faculté des sciences de la gestion, qui n'est pas en grève.

«C'est quoi, votre message?», a hurlé un étudiant irrité. Un des manifestants a répondu qu'ils combattaient le retour en classe ordonné par injonction.

«Mais on n'en a pas, nous, d'injonction, on n'est pas en grève !», a rétorqué l'étudiant.

Les manifestants sont restés une dizaine de minutes à faire du bruit dans la classe pendant que certains étudiants en gestion se moquaient discrètement d'eux.

Un manifestant masqué est allé parler au professeur, qui est sorti de ses gonds.

«Cours annulé, bière au bistrot», a écrit le prof au tableau.

Les manifestants ont alors repris leur marche et obtenu ce qu'ils voulaient: en début d'après-midi, la direction du département des sciences juridiques de l'UQAM a cédé et annoncé la levée des cours jusqu'à vendredi.

La directrice des relations avec la presse de l'UQAM, Jenny Desrochers, a indiqué que les cours avaient été levés pour des raisons de sécurité.

«Nous estimions à 500 le nombre de manifestants dans l'UQAM, la moitié était masquée et la plupart n'étaient pas des étudiants de l'UQAM», a-t-elle expliqué

D'ici à la prochaine tentative de reprise des cours, mardi prochain, la direction et les autorités des associations étudiantes négocieront pour tenter d'arriver à une entente.  

Celina Toia, étudiante en première année de droit, est en furie.

«Nous étions 25 dans un cours où nous aurions dû être 54. Le professeur a décidé de ne pas donner le cours parce qu'il n'y avait pas assez de monde. Nous avons tenté de le persuader du contraire», raconte-t-elle.

Elle a quitté les lieux avec d'autres étudiants et s'est retrouvée devant un groupe de manifestants qui lui auraient fait des menaces, à elle et à ses amis, et qui s'en seraient même pris physiquement à certains d'entre eux qui les filmaient. Elle a porté plainte à la police.

«Ça fait 14 semaines que nous sommes en grève. On a tout fait pour reprendre les cours et personne ne peut rien faire. Nous sommes stressés, on a des emplois d'été. Même pour les étudiants de première année, s'il faut reprendre des cours plus tard, on repousse notre admission au Barreau», déplore-t-elle.

Les manifestants se sont ensuite regroupés dans l'agora du pavillon Judith-Jasmin.

À noter que plusieurs représentants des médias ont été pris à partie par des manifestants qui ne veulent plus que leurs actions soient couvertes.

Un journaliste de la radio Cogeco s'est fait arracher la carte de presse qu'il porte au cou, et on a tenté de lui arracher son matériel radiophonique.

Un cameraman, pourtant bien costaud, a été bousculé être poussé à l'extérieur d'un pavillon par cinq manifestants.  

Ailleurs à Montréal

Les cours ont été suspendus pour la journée au collège Bois-de-Boulogne, dans le nord de la ville. La direction du collège a pris cette décision peu après 8h, après avoir constaté que des piquets de grève avaient été dressés devant les entrées principales.

Les cours des élèves qui ont obtenu une injonction et ceux du département de soins infirmiers sont toutefois maintenus.

La direction du cégep Marie-Victorin, a pour sa part rencontré les représentants de l'association étudiante et du syndicat des professeurs mardi après-midi pour discuter du retour en classe d'une élève qui a obtenu une injonction.

Les représentants de l'association étudiante et du syndicat des professeurs se sont engagés à respecter l'ordre de la Cour supérieure du Québec.

Par ailleurs, une autre élève qui devait reprendre les cours a finalement retiré sa demande d'injonction en fin de journée mardi.

Des injonctions visent aussi les collèges Ahuntsic, André-Laurendeau, Saint-Hyacinthe et Saint-Jérôme, mais dans la plupart des cas, des ententes entre la direction et les associations étudiantes sont intervenues pour éviter des affrontements à l'entrée des classes.

- Avec La Presse Canadienne