L'enquêteur nommé par Québec pour faire la lumière sur le cafouillage de l'autoroute 13, Florent Gagné, a été durement sermonné lors de la commission Charbonneau pour « avoir fermé les yeux » sur la collusion alors qu'il était sous-ministre au ministère des Transports du Québec.

Florent Gagné avait connu un passage mouvementé à la commission Charbonneau en avril 2014. À la fin des audiences, la Commission avait envoyé à cet ancien haut responsable un préavis de conclusions défavorables, le prévenant qu'il risquait d'être blâmé dans le rapport définitif. On lui reprochait « d'avoir fermé les yeux » sur les indices de collusion et de corruption dont il avait été informé à son entrée en fonction, en 2003.

Dans une réponse de neuf pages, Florent Gagné avait rejeté ces blâmes, répétant comme il l'avait fait durant son témoignage que le Ministère « ne disposait ni de la compétence ni des moyens qui peuvent être ceux de la police ou d'une commission d'enquête ». Il a notamment insisté sur le fait qu'il s'agissait uniquement de rumeurs à l'époque et qu'il était difficile d'agir sur la foi de rumeurs.

Rappelons que le rapport définitif de la commission Charbonneau ne comportait finalement aucun blâme.

Directeur général de la Sûreté du Québec de 1998 à 2003, Florent Gagné a aussi été critiqué pour son inaction dans un rapport en 2009 du vérificateur général du Québec, Renaud Lachance. Alors qu'il dirigeait le corps policier, l'enquête Bitume, qui devait faire la lumière sur la collusion et la corruption à Laval, avait été abandonnée, les six policiers à l'enquête ayant été affectés à d'autres tâches.

Durant son témoignage à la CEIC, la juge France Charbonneau avait également déploré son manque d'action alors qu'il était à la tête de la SQ. « Vous serviez à quoi comme directeur général, si vous ne saviez pas où en étaient les enquêtes ? », lui avait-elle lancé.

DES POSTES EN HAUT LIEU

Florent Gagné a occupé plusieurs postes haut placés dans la fonction publique au cours de sa carrière. De 1983 à 1994, il a été sous-ministre adjoint, puis sous-ministre aux Affaires municipales. Il a ensuite été sous-ministre aux Transports de 1989 à 1994. C'est en 1998 qu'il est devenu directeur général de la SQ, poste qu'il occuperait jusqu'en 2003, avant de revenir aux Transports.

Depuis sa retraite en 2006, il a rempli plusieurs mandats. En 2009, à la demande de l'ex-ministre Nathalie Normandeau, il a rédigé le rapport Éthique et démocratie municipale, qui a servi à la rédaction d'une loi pour assainir les moeurs politiques dans les villes québécoises. Depuis 2010, il préside le conseil d'administration de l'Agence du revenu du Québec.

En 2013, Florent Gagné était l'un des trois tuteurs nommés par Québec lors de la mise en tutelle de la Ville de Laval. Son mandat avait donné lieu à quelques accrochages avec les élus de Laval, ceux-ci ayant tenté de bloquer certaines de ses décisions puisqu'ils souhaitaient attendre l'élection d'un nouveau maire.

En 2015, à la demande du ministre d'alors Pierre Paradis, il produit un rapport sur le secteur du sirop d'érable, « rigide, technocratique, centralisé et contrôlant », mais ses recommandations sont restées lettre morte.

Florent Gagné est aussi un expert en négociation avec les autochtones. Ses cinq contrats de 2011 à 2017 frôlent potentiellement les 700 000 $. Mais Florent Gagné et « Florent Gagné Consultation » n'ont facturé que 426 000 $ entre 2010 et 2016.

Dans sa lettre de réponse au préavis de blâme de la CEIC, Florent Gagné signalait également être membre du comité de vérification du Service canadien du renseignement de sécurité. « À ce titre, je détiens la plus haute cote de sécurité qui me donne accès à des documents "Top Secret". À cette fin, j'ai dû répondre à des critères très élevés de vérification sécuritaire concernant mon honnêteté, ma probité, mes fréquentations, y compris un test polygraphique portant sur ma vie professionnelle, ma vie personnelle et ma situation financière. »