La défense dans le procès sur la collusion à Boisbriand continue d'attaquer la crédibilité de Gilles Cloutier. Cet ancien organisateur politique et témoin-vedette de la commission Charbonneau se retrouve maintenant à la barre des témoins de ce premier grand procès découlant d'une enquête de l'Unité permanente anticorruption (UPAC).

Après plusieurs jours de contre-interrogatoire, les accusés veulent maintenant produire en preuve l'enregistrement d'une déclaration de cinq heures que Cloutier a faite à la police après avoir été arrêté pour parjure en septembre 2014.

L'existence de cette rencontre - et de l'arrestation - a été révélée hier après-midi, dans le cadre du procès contre l'ex-maire de Boisbriand Robert Poirier, l'ancienne vice-présidente de la firme Roche France Michaud et l'ex-ingénieur au sein de la firme BPR-Triax Rosaire Fontaine. Le trio est accusé de complot, de fraude et d'abus de confiance dans une affaire de partage des contrats de la municipalité.

Le document déposé hier par la défense fait état de «15 allégations de parjure».

Seulement une plainte formelle de parjure émane de la commission Charbonneau. Rappelons que lors de son témoignage devant la Commission, Cloutier a admis qu'il avait menti en affirmant qu'il était propriétaire d'une résidence dans Charlevoix alors qu'il la louait.

Des plaintes pour parjure ont aussi été déposées par l'ancien ministre Guy Chevrette ainsi que par la veuve du maire de Saint-Stanislas-de-Kostka, Maurice Vaudrin, relativement à des déclarations de Cloutier devant la Commission.

Pour l'instant, Cloutier ne fait face à aucune accusation de parjure.

Extraits de la vidéo révélés

La requête déposée hier par les trois accusés allègue que lors de son témoignage vidéo, Cloutier a révélé avoir reçu la visite de la procureure en chef de la Commission, Me Sonia Lebel, et de deux enquêteurs à son domicile à la suite de son parjure.

«Gilles Cloutier affirme que suite à cette rencontre, Me Lebel lui "aurait toujours dit par après: 'Fais-toi en pas avec ça, c'est pas grave... Je te comprends... Tu as été 27 ans à dire que c'est ta maison... t'aurais pas dû dire que tu étais propriétaire... Fais-toi en pas pis on va continuer'"», peut-on lire dans la requête.

Cloutier aurait aussi déclaré qu'il avait une très bonne relation avec Me Lebel et qu'il allait «pratiquer le dimanche avec Sonia et que tout le monde était correct et que tout le monde l'aimait à la Commission».

La requête ajoute par ailleurs que les gens de la Commission sont devenus «très proches» du témoin Cloutier.

Les procureurs de la commission Charbonneau Érika Porter et Simon Tremblay se sont rendus hier au palais de justice de Saint-Jérôme, où est entendue la cause.

Les audiences ont été suspendues jusqu'à demain pour permettre à la défense de prendre connaissance des documents remis par la Commission.

Depuis le début de son contre-interrogatoire, les trois avocats de la défense confrontent Cloutier à des déclarations qu'il a faites devant plusieurs instances.

«Si on veut établir un pattern d'un menteur pathologique, possiblement taré [en droit criminel, cette expression fait référence au concept de délateur], la question de la crédibilité du témoin, c'est sûr qu'on va le plaider ad nauseam», avait annoncé au début de l'exercice il y a deux semaines Me Luc Carbonneau, qui représente dans cette affaire l'ex-maire de Boisbriand Robert Poirier.