Lorsqu'elle a pris la tête de la Commission de la construction du Québec (CCQ), Diane Lemieux a constaté plusieurs pratiques incestueuses auxquelles elle a tenté de mettre fin. La « lionne » a présenté hier devant la commission Charbonneau le grand ménage qu'elle a mené au sein de l'organisme.

Diane Lemieux a commencé son témoignage en dénonçant les interventions « inappropriées » des membres du conseil d'administration de la CCQ survenues sous le règne de son prédécesseur, André Ménard.

Après 17 ans à la tête de la CCQ, Ménard a quitté la présidence en 2011 dans la foulée de reportages qui faisaient état de voyages des administrateurs et de leurs conjointes réalisés au frais de la CCQ.

« La CCQ était en crise, tant sur le plan interne qu'externe », a témoigné Diane Lemieux, au sujet de son arrivée en janvier 2011. À l'époque, dit-elle, plus de 25% des 1000 employés de la CCQ avait des liens familiaux entre eux ou des personnes clés dans l'industrie de la construction.

Après son arrivée à la CCQ, l'ancienne ministre du Travail s'est dite « surprise » par certaines de ses découvertes au sujet de l'ingérence de membres du CA, formé, entre autres, par des représentants d'associations d'employeurs et des syndicats de la construction.

« Dès la première réunion du conseil d'administration, j'ai fait le constat qu'il y avait des habitudes, des pratiques d'intervention non appropriées. Elles pouvaient aller jusqu'à des pressions de la part des représentants patronaux et syndicaux dans des dossiers administratifs, des dossiers d'enquête et d'inspection, et ce, souvent directement auprès du personnel. »

Lemieux a aussi cité en exemple un épisode où un membre du CA représentant une association patronale l'a convoqué pour discuter d'une enquête en cours. « Si cette personne se permettait de réclamer des informations de ma part, je peux présumer que c'est arrivé avant. »

Elle a aussi raconté qu'au début de son règne, elle a reçu des appels de délégués syndicaux qui voulaient parler de l'octroi de cartes de compétence à un de leurs travailleurs. « J'ai décrété que je n'avais pas de petits coupons de cartes de compétence dans mon bureau », a t-elle expliqué.

Le ménage de Diane Lemieux

Pour éviter la situation où les employeurs et les travailleurs peuvent choisir les inspecteurs qui vont enquêter sur leur travail, elle a décidé de retirer ce pouvoir de nomination au conseil d'administration pour le confier aux ressources humaines.

Le temps où l'on discutait ouvertement des stratégies d'inspections sur les chantiers est aussi révolu, a-t-elle souligné.

« En lisant certains procès-verbaux, j'ai eu un malaise. On discutait ouvertement des stratégies en matière d'inspections. Résultat : les blitz sur les chantiers étaient annoncés à l'avance à toutes les associations. »

Pour contrer le « taux anormalement élevé » d'employés avec des liens familiaux, Lemieux a imposé des mécanismes d'embauche « normaux » comme un processus d'examen ou d'entrevues, ce qui était déficient par le passé. Les employés doivent aussi déclarer tous leurs liens familiaux avec leurs collègues et membres de l'industrie de la construction, tant du côté patronal que syndical.

Tous les travailleurs de la construction doivent être dotés de cartes de compétence de la CCQ pour oeuvrer sur un chantier. Avant 2012, un ouvrier qui se faisait pincer sans sa carte de compétence sur un chantier ne recevait pas de sanction et avait deux mois pour se faire accréditer.

«On peut, avec nos yeux d'aujourd'hui, regarder ça et dire: «c'est ben épouvantable», mais le message qui était passé aux organismes réglementaires à une certaine époque c'était: on veut que nos gens travaillent, vous êtes trop sévères. Aujourd'hui on se dit: comment ça se fait? Mais les dirigeants étaient pris avec ces messages-là», a-souligné Lemieux.