Quelques minutes avant d'ajourner ses travaux, jeudi, la commission Charbonneau a diffusé une photo de l'ancien premier ministre Jean Charest enlacé et joue contre joue avec l'entrepreneur en construction Tony Accurso. On peut y lire la dédicace: «Cher Tony. Merci pour l'appui. Amitiés. Charest, 2001.»

«Je pense que c'est pas un gros secret que je suis plus libéral que PQ», a répondu Tony Accurso. «Cette photo-là a été prise à mon restaurant. Ça m'a été demandé de financer un cocktail. C'est le parti libéral, ce n'est pas moi qui s'est occupé de cette activité-là, mais j'ai fourni la place pour qu'eux autres viennent.»

«Savez-vous combien d'argent a été a ramassé lors de ce cocktail-là?», a demandé la procureure en chef de la Commission, Me Sonia Lebel. « Aucune idée », a répondu Accurso.

Malgré leur proximité sur le cliché, Tony Accurso et Jean Charest n'ont aucun lien d'amitié, a déclaré le porte-parole de l'ancien premier ministre du Québec.

« Contrairement à ce que la photo démontre, ils ne sont pas proches, ils se sont vus trois fois dans leur vie », a déclaré Gregory Larroque, conseiller de Jean Charest au sein de la firme McCarty Thétrault, où il travaille maintenant.

Quant à la dédicace, Larroque affirme que Charest en a signé des « milliers » comme celles-là. « Il me semble que M. Charest est un peu plus raide que M. Accurso », a souligné M. Larroque.

La photo a été prise au moment où Jean Charest était chef de l'opposition. Le cocktail a été organisé pour la campagne de Thomas Mulcair dans le conté de Chomedey, a indiqué M. Larroque.

La Presse avait fait état de cette photo samedi dans son grand portrait de Tony Accurso. Jean Charest n'avait pas répondu à nos nombreuses demandes d'entrevue.

Par ailleurs, l'entrepreneur en construction a été interrogé au sujet d'une lettre que son entreprise avait reçue en 2012 de la part d'Hydro-Québec le privant à toutes fins utiles du droit de soumissionner pour y obtenir des contrats. Les entreprises EBC et Neilsen étaient aussi visées, selon l'écoute téléphonique entendue par la Commission.

Furieux, M. Accurso a fait quelques appels pour tenter de savoir pourquoi son entreprise était ainsi barrée, alors qu'il effectuait déjà des travaux pour Hydro-Québec et estimait y faire un bon travail.

Il a affirmé avoir appris que c'est le bureau de la première ministre Pauline Marois, en septembre 2012, qui avait ainsi passé une commande politique à Hydro-Québec de le barrer.

Pas de ministres ou de députés sur le Touch, dit Accurso

Plus tôt aujourd'hui, Tony Accurso a déclaré que aucun ministre ou député, tant sur la scène provinciale que fédérale, n'a séjourné sur le Touch. Le seul personnage à s'ajouter à liste des passagers déjà rendue publique lors des travaux de la Commission est celui de... Mick Jagger.

Me Sonia Lebel avait demandé à l'entrepreneur de s'engager à lui fournir la liste complète des passagers du luxueux yacht.

« Vous avez confectionné une liste de passagers à partir de la preuve qu'on vous a fournie», lui a reproché la juge France Charbonneau, ce matin.

Au retour de la pause du dîner, Accurso a finalement précisé qu'aucun ministre ou député n'avait navigué sur le Touch, tout comme aucun haut fonctionnaire ou membre d'un cabinet politique.

En 2009, la chef parlementaire de l'ADQ, Sylvie Roy, avait affirmé à l'Assemblée nationale que trois ministres avaient séjourné sur le Touch, créant un véritable séisme politique et médiatique.

L'ancien roi de la construction a repris son témoignage vers midi aujourd'hui.

Les procureurs de la Commission, l'avocat de Tony Accurso et un représentant du ministère public ont d'abord passé l'avant-midi à débattre en non-publication de questions relativement aux passagers du Touch. La juge Charbonneau a finalement conclu que la commission ne pourrait pas aborder les séjours de l'entrepreneur Normand Trudel et de l'ancien maire de Mascouche Richard Marcotte, qui font l'objet d'accusations criminelles dans les mêmes dossiers qu'Accurso.

Tony Accurso a aussi précisé que l'ancien ministre libéral Tony Tomassi n'avait jamais séjourné sur son luxueux yacht.

La commission Charbonneau a ensuite diffusé deux écoutes électroniques de 2009 entre Tony Accurso et Guy Gionet, l'ancien patron de la SOLIM (l'ancien nom du bras immobilier du Fonds de solidarité FTQ).

Tony Accurso y parle négativement de l'entrepreneur Joe Borsellino (Garnier). On comprend qu'Accurso veut le dissuader Gionet de financer un projet de Borsellino.

« Je pense qu'il n'y a pas un entrepreneur sur la planète qui ne dénigre pas son compétiteur », s'est-il justifié devant la Commission.