Dix jours après que l'entrepreneur Lino Zambito ait déclaré devant la commission Charbonneau avoir versé 30 000$ en argent comptant à l'ex-organisateur libéral Pierre Bibeau, ce dernier a vidé et fermé ses deux coffrets de sûreté à la banque.

«Ce n'était pas des restants de 30 000$», a demandé, ce matin, l'avocat de la commission Me Paul Crépeau à Pierre Bibeau qui a amorcé son témoignage à la barre.

Bibeau a nié. Il s'est justifié en disant qu'il était en « état de choc » et « pas dans son état normal ». Animé de pensées suicidaires, il voulait que ses papiers soient retrouvables «s'il m'arrivait quelque chose».

« Ça n'avait aucune logique », a-t-il fini par admettre.

Bibeau s'est ensuite lancé dans une explication un peu confuse dans laquelle il a dit que l'argent dans son coffret de sûreté provenait de son petit change qu'il ramassait puis transformait en billets au Casino de Montréal, car cette opération y est gratuite, contrairement à la banque.

Lors de son témoignage qui s'est déroulé du 12 au 15 octobre 2012, Lino Zambito a affirmé qu'il avait versé 30 000$ en argent comptant à Pierre Bibeau pour une activité de financement organisée pour son ancienne conjointe, l'ex-ministre Line Beauchamp, en 2009.

Zambito dit avoir remis l'argent à Bibeau à son bureau de Loto-Québec, où il était vice-président aux affaires publiques. Bibeau est toujours vice-président aux affaires corporatives au sein de la société d'État, mais «sans rôle défini».

Selon Bibeau, cette rencontre à son bureau a bel et bien eu lieu, mais Zambito voulait le rencontrer relativement à un problème de dézonage d'un terrain à Boisbriand.

«Il ne m'a pas remis 30 000$ et je ne lui ai pas demandé 30 000$», a déclaré Bibeau lors de son témoignage.

Rencontre au 357C

La commission Charbonneau s'est ensuite penchée sur deux rencontres entre Line Beauchamp et des entrepreneurs qui se sont déroulées au club privé le 357C, le 27 février 2007 et le 18 mai 2007.

Paolo Catania de Constructions Frank Catania, Rosaire Sauriol l'ancien vice-président principal de Dessau, Frank Minicucci le bras droit de Tony Accurso, Michel Lalonde le président de Génis Conseil et Lino Zambito étaient présents à la première rencontre. L'ancien président du comité exécutif de la Ville de Montréal, Frank Zampino et Bernard Trépanier «Monsieur 3%», étaient aussi du nombre.

Selon Bibeau, il ne s'agissait pas d'une rencontre pour faire du financement, mais plutôt d'un échange avec la ministre Beauchamp qui s'occupait de la région de Montréal. «Ç'a été une discussion de très haut niveau», a précisé Bibeau.

Les choses se sont moins bien déroulées à la seconde réunion. Beauchamp a essuyé plusieurs reproches de la part des entrepreneurs. Selon Bibeau, c'est parce que Zampino n'y était pas.

Billets de faveur pour les amis

Devant la commission Charbonneau hier, l'ex-secrétaire de Bibeau a témoigné qu'il donnait les billets de courtoisie des événements commandités par la société d'État à des proches du PLQ et à ses amis.

Vous donnez des billets qui appartiennent à l'État à vos amis, a demandé Me Crépeau. «Oui, quand il n'y avait pas de preneurs», a admis Bibeau.

Il a aussi été questionné sur des mentions bizarres dans son agenda Outlook où des réunions étaient inscrites sous une série de caractères et des chiffres.

Selon Bibeau, il s'agissait d'erreurs de frappe. «Je m'enfargeais dans mon cellulaire.»

«Line Beauchamp m'a téléphoné hier pour me dire si c'est tes maitresses, tu peux le dire», a-t-il ajouté.

La secrétaire de Bibeau lui a aussi déjà demandé s'il voulait qu'elle efface ces mentions. Pourquoi les conserver, lui a demandé Me Crépeau. «Pourquoi les effacer», a-t-il répliqué.

«Mettez quelqu'un là-dessus. D'après moi je parlais à Raël», a-t-il ajouté, visiblement à la blague. «Ça n'a aucun rapport avec rien.»

Marc-Yvan Côté appelé à la barre des témoins

Nier aujourd'hui que les entreprises ont participé au financement politique «c'est nier une évidence», estime Marc-Yvan Côté, ancien ministre libéral et ex-vice-président principal au développement des affaires au sein de la firme de génie-conseil Roche.

«Je ne suis pas devant la commission pour être hypocrite», a-t-il déclaré cet après-midi devant la Commission, où il a amorcé son témoignage.

Le financement, «ce n'est pas le problème d'un individu, ce n'est pas le problème d'une entreprise, c'est un problème de société», a-t-il ajouté.

Le nom de Marc-Yvan Côté a rebondi à la Commission au cours des dernières semaines notamment lors du témoignage de l'ancien vice-président, municipalités et bâtiments chez Roche, André Côté.

Grâce aux liens d'amitié entre l'ancien ministre libéral Marc-Yvan Côté et Bruno Lortie, le chef de cabinet de Nathalie Normandeau au moment où elle était ministre des Affaires municipales, la firme Roche a eu un accès privilégié pour faire avancer ses projets qui stagnaient, a déclaré André Côté lors de son témoignage.

Plusieurs témoins ont aussi confirmé que les employés de Roche ont servi de prête-noms pour contribuer aux partis.

«Est-ce que vous pensez qu'avec les états de service que j'avais au Parti libéral que j'avais besoin de contribuer pour avoir de l'information, a lancé Marc-Yvan Côté. Il est évident que si j'avais besoin d'une information, j'étais capable d'aller la chercher.»

Marc-Yvan Côté, qui a tenté d'esquiver presque toutes les questions du procureur, parfois habilement, a fini par admettre que les employés de Roche qui ont fait des contributions politiques ont pu être remboursés sur leurs comptes de dépenses ou avec des bonis.