Même si elle savait qu'elle employait des méthodes « pas correctes », France Michaud a orchestré un système de financement politique qui permettait à la firme Roche de donner entre 60 000 et 90 000$ aux partis provinciaux chaque année.

« On le faisait parce que tout le monde le faisait. Ce n'était pas la plus belle chose », a déclaré l'ancienne vice-présidente de la firme Roche, aujourd'hui, devant la commission Charbonneau.

France Michaud est entrée à l'emploi de Roche en 1988. Elle a gravi les échelons pour devenir vice-présidente adjointe 10 ans plus tard.

En 2003, elle dirige le bureau de Roche à Montréal. C'est à cette époque qu'elle touche pour la première fois au financement politique.

Michaud « prendra les devants » en demandant des rencontres avec les responsables du financement au Parti québécois (PQ) Ginette Boivin et au Parti libéral du Québec (PLQ) Violette Trépanier.

Jusqu'à la commission Gomery en 2004, a-t-elle précisé, c'est Marc-Yvan Côté, ancien ministre libéral qui s'occupait du financement chez Roche.

À l'époque, les rumeurs voulaient que les employés de Roche étaient tous « peinturés en rouge ». « Je voulais lui dire qu'on était représentatifs de la population québécoise », a-t-elle affirmé en soulignant qu'elle avait longtemps été une « pro-René Lévesque ».

« Elle m'a fait comprendre que les relations avec Roche n'ont pas toujours été harmonieuses. Elle m'a dit : "je sais qu'il y a des gens chez Roche qui nous aident, mais j'ai l'impression que dans votre réseautage vous pourriez nous aider un peu plus." »

«Victimes»

France Michaud a continué à fréquenter Ginette Boivin même après son départ du parti, dans la foulée d'un scandale de prête-noms.

« Les gens qui perdent leur emploi comme Mme Boivin ce sont des victimes », a souligné Mme Michaud. «Je trouvais ça tellement facile (que les partis politiques) prennent des gens comme elle ou Violette Trépanier pour dire, regardez on a réglé le problème. »

Michaud affirme que Trépanier et Boivin lui ont toujours rappelé que seuls les individus peuvent donner aux partis politiques et non les entreprises. Si les partis la sollicitaient, c'était pour son « réseau », dit-elle. «Ayant connu ces deux femmes-là assez bien, je pense qu'elles espéraient qu'on fasse les choses bien», a dit Michaud.

Stratagème

France Michaud a révélé que la firme Roche fixait comme objectif maximal 60 000$ en financement politique, tous partis confondus chaque année. La cible atteignait 90 000$ lors des années électorales.

Pour y parvenir, les sept associés de Roche, Marc-Yvan Côté et une autre personne versaient environ 50 000$ au total dans une caisse qui servait à rembourser les employés qui participaient à des cocktails de financement. Les hauts dirigeants recevaient des bonis pour pouvoir mettre de l'argent à la disposition de la caisse.

Une quinzaine d'employés ont aussi servi de prête-noms. Des fournisseurs ou des entrepreneurs désirant faire des contributions politiques étaient aussi recrutés.

France Michaud fait face à 13 chefs d'accusation, dont complot, fraude et corruption dans le dossier d'agrandissement d'une usine d'épuration des eaux à Boisbriand. Son procès a débuté en mars.

L'ex-mairesse de Boisbriand, Sylvie St-Jean, et les dirigeants de la firme Infrabec, Lino et Giuseppe Zambito sont aussi accusés dans cette affaire. Les autorités soupçonnent qu'un système avait été mis en place pour favoriser certaines firmes pour le partage des contrats municipaux. Le système permettait aussi à des élus municipaux de toucher des avantages en échange de décisions favorables.

Les audiences de la commission Charbonneau reprennent demain matin avec le témoignage de Yvan Dumont, ingénieur et chef d'équipe au ministère des Affaires municipales. Ce dernier explique le fonctionnement des programmes de subventions pour les projets d'infrastructures reliés à l'eau.