La firme de génie-conseil Roche a «prêté» ses locaux pour la campagne électorale du ministre Sam Hamad en 2008, a déclaré ce matin, André Côté, un ancien vice-président et responsable du financement politique au sein de l'entreprise. Devant la commission Charbonneau, Côté a aussi exposé le stratagème utilisé pour fournir illégalement entre 80 000 et 100 000$ en dons aux partis politiques chaque année.

« On parle beaucoup d'argent, mais est-ce qu'il y avait des contributions sous d'autres formes » a demandé l'avocat de la commission Me Simon Tremblay.

« Je me souviens à une élection en décembre 2008 qu'on avait prêté nos locaux à l'association libérale pour les gens qui téléphonaient aux électeurs pour les solliciter... Je pense que c'était pour Sam Hamad à Québec », a témoigné André Côté. « Je ne me souviens pas d'où est venue la demande, je ne sais pas avec qui l'entente a été prise. »

« Les locaux ont-ils été prêtés, loués ou sous-loués », a demandé Me Tremblay au retour de la pause-midi. « Je ne pourrais pas vous dire s'il y a eu une rémunération pour les locaux ou non », a répondu le témoin.

Le DGEQ nous a fait parvenir le rapport des dépenses électorales de Sam Hamad en 2008. On peut y lire que le parti libéral a payé 1642 $ à l'entreprise Construction LPG inc. pour « location de locaux » ainsi que 282 $ à CPU Design Inc. Aucune mention de Roche ne figure dans le rapport.

En contre-interrogatoire, l'avocat du parti libéral du Québec, Me Michel Descaries, a demandé à Côté si Roche avait des liens avec LPG, qui se trouve physiquement en face des locaux de Roche à Québec. Le témoin a répondu qu'il ne connaissait pas l'entreprise.

Sam Hamad a été vice-président principal chez Roche de 1998 à 2003. En 2005, la firme a été rachetée d'une firme américaine par un groupe de dirigeants de la firme, dont Côté.

Stratagème

À partir de 2005, André Côté a été le responsable du financement politique chez Roche pour l'Est du Québec. Il travaillait en collaboration avec France Michaud, une autre ex-dirigeante de chez Roche qui a quitté dans la tourmente.

Selon Côté, Michaud discutait chaque année avec les responsables du financement au PLQ et au PQ, Violette Trépanier et Ginette Boivin (respectivement) pour déterminer la hauteur des contributions politiques annuelles de Roche.

La firme remboursait ses employés pour leurs contributions, ce qui est illégal.

Pour y parvenir, les sept vice-présidents principaux de la firme, dont André Côté, recevaient 10 000$ de plus sur leurs salaires chaque année qu'ils transformaient ensuite en argent comptant après leurs impôts. Cela permettait de mettre dans une cagnotte 5500$ en argent comptant. Roche se servait de cet argent pour rembourser les contributions de ses employés.

Le reste des sommes étaient obtenues grâce à un système de fausse facturation à travers des filiales de Roche par l'entremise du consultant Martin Lapointe. Les fausses factures étaient faites à la demande de l'ancien PDG de Roche, Mario Martel et France Michaud.

Côté s'est dit surpris que le Directeur général des élections du Québec (DGEQ) n'ait pas agi durant toutes ces années pour sanctionner l'usage de prête-noms.

« Tous les partis politiques étaient au courant que les employés ne sortaient pas l'argent de leur poche, c'est utopique de penser ça », a dit Côté.

Cocktail pour Normandeau : « Mission impossible »

À la demande de Marc-Yvan Côté, ancien ministre libéral devenu consultant chez Roche, André Côté a participé à l'organisation de deux cocktails de financement pour la ministre des Affaires municipales Nathalie Normandeau. André Côté ne se souvient pas de l'année précise, mais il pense que c'était en 2007 et en 2008 ou en 2008 et 2009.

Marc-Yvan Côté, un ami de Bruno Lortie l'ex-chef de cabinet de Normandeau, a sollicité l'aide de André Côté pour qu'il trouve des gens prêts à contribuer 1000$ pour un souper-bénéfice en compagnie de la ministre.

« Je vous demande votre collaboration pour identifier et contacter des preneurs potentiels comme des fournisseurs, des entrepreneurs, des collaborateurs de projet et autres qui tirent profit des projets réalisés avec des subventions du ministère des Affaires municipales », écrira André Côté, en 2008, dans un courriel adressé à ses collègues.

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« On se comprend que cette activité doit conserver un cadre très confidentiel, et en ce sens, je vous prie de bien vouloir détruire immédiatement ce email, comme dans une mission impossible qu'on doit absolument réussir malgré les délais », poursuit-il dans la missive.

Selon André Côté, Nathalie Normadeau avait une grande écoute lorsqu'elle assistait à des activités de financement. «Cette femme-là, c'était une femme très, très généreuse de sa personne », a dit André Côté